Harcèlement : le monde de la musique, des salles de concert et des festivals réagit

C’est l’été, la saison des festivals. Chacun ressent l’envie de faire la fête en musique mais surtout en sécurité. Depuis #MeToo, les mentalités ont changé. De nombreuses associations travaillent à éliminer le fléau du harcèlement et, dans les clubs et les salles de concert, le personnel est désormais de plus en plus formé pour mieux réagir. Reportage.

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Rédaction SoPress

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On les reconnaît à ses dossards blancs. L’équipe du dispositif Safer, qui lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles en milieu festif, se faufile dans la foule compacte. Elle cherche une festivalière qui vient de signaler un comportement déplacé via une application dédiée. « Grâce à la géolocalisation, on peut intervenir rapidement. Notre rôle est de prendre la température, de rassurer, et de faire le lien avec la sécurité si le harceleur est toujours dans les parages, ou la Croix-Rouge si la victime a été droguée par exemple », détaille Lola, qui, comme la dizaine d’autres bénévoles qui travaillent avec elle, a été formée le matin même pour cette mission de la plus haute importance. « C’est plutôt calme », se félicite la jeune femme.

Peut-être est-ce parce que le festival parisien We Love Green, où elle officie ce week-end, a mis le paquet : capotes à verre distribuées gratuitement, campagne d’affichage rappelant la loi, plateforme de signalement… Tous les moyens sont bons pour instaurer un climat aussi sécurisant que possible, dans ce grand festival comme dans plus en plus de salles de concert et de clubs partout en France.

Près de 6 jeunes sur 10 ont déjà perdu le contrôle d’eux-mêmes

au moins une fois au cours des 12 derniers mois du fait de leur consommation de substances, au point de ne plus vraiment savoir ce qu’ils faisaient (54%) (1). Parmi ces pertes de contrôle, le fait d'avoir un comportement inadapté envers les autres.

Ouvrir des espaces de discussion

À quelques mètres de là, d’autres associations organisent d’ailleurs des actions de prévention. Parmi elles, le CRIPS Île-de-France anime plusieurs activités pédagogiques pour sensibiliser les moins avertis. « Ces jeux permettent de démarrer une conversation avec – et surtout entre – les jeunes dans une démarche de prévention, sans tomber dans un discours d’interdiction », commente Émilie Monod, Responsable de la Communication au CRIPS Île-de-France.

Qu’il s’agisse de consommation d’alcool, de substances, ou de consentement, l’association est équipée : « On a des lunettes qui permettent de simuler un état d’ébriété, par exemple. Ça nous permet de donner quelques conseils comme boire un verre d’eau entre chaque verre d’alcool… On a aussi imaginé un pref pong, sur le modèle du beer pong américain. Lorsque l’on parvient à viser un gobelet avec sa balle, on doit lire le papier qui est dedans, et dire selon nous si la situation décrite est charmante, gênante ou harcelante. »

Le CRIPS n’est pas novice en la matière : « Cela fait plusieurs années que l’on travaille avec des festivals, des soirées, des lieux festifs… Il y a eu une vraie prise de conscience du secteur au sujet des violences sexistes et sexuelles depuis #MeToo. Les professionnels du milieu se forment massivement », poursuit l’experte.

18% des consommateurs ont déjà agressé quelqu’un physiquement

après avoir consommé de substances nocives (alcool, cannabis, ecstasy, cocaïne, héroïne). (1)

Des formations certifiées

La salle de concert et club le Trabendo, situé dans le Parc de la Villette à Paris, peut en témoigner ; pratiquement toute l’équipe a été formée par Consentis, l’une des associations de référence sur le consentement en milieu festif. « Pendant une demi-journée, on a revu les bases du consentement et appris à qualifier juridiquement différents comportements. Il en a découlé une charte interne et un protocole strict que nous déclenchons en cas de harcèlement ou d’agression. Aujourd’hui, ces formations se font sur la base du volontariat, mais elles sont en passe de devenir obligatoires, notamment pour être affilié au Centre National de la Musique et bénéficier de subventions », explique Pablo El Baz, directeur de la salle, qui fait une veille constante sur ce qui se passe chez ses collègues du secteur.

« J’échange beaucoup avec d’autres clubs. On s’entraide, on partage les bonnes pratiques… » Il se félicite d’ailleurs que de plus en plus d’initiatives collectives voient le jour pour que le monde de la musique et de la nuit soit plus sûr pour tous : « Il y a notamment le Conseil de la nuit, les rencontres organisées sur le sujet par le CNM, le réseau MAP, le dispositif Demandez Angela… Tout cela traduit une prise de conscience indéniable, conjuguée à une demande accrue du public qui veut se sentir en sécurité. » Sur les murs du Trabendo, plusieurs affiches rappellent la loi et les règles du lieu. Un détail qui fait toute la différence, selon Pablo El Baz : « Ces affiches rassurent car elles rappellent aux clubbeurs que nos équipes sont mobilisées sur ces questions et qu’il y a une tolérance zéro vis-à-vis de ces comportements. L’équipe de sécurité et les barmen sont aussi particulièrement alertes, car ils sont les premiers en contact avec le public », poursuit-il.

Une méfiance qui demeure ?

Pourtant, certaines personnes se sentent encore mal à l’aise en club ou dans les salles de concert. À l’image de Pauline et Esther, toutes deux 24 ans : « J’ai souvent peur qu’on mette quelque chose dans mon verre », explique la première, venue se renseigner au stand du CRIPS entre deux concerts. « Personnellement, en boîte, j’ai surtout l’impression d’être un bout de viande dans une fosse aux lions, renchérit son amie. Les fois où j’y vais quand même, je fais en sorte de danser pas trop loin des vigiles, parce que je me dis que comme ça personne ne viendra m’embêter. »

Si le monde de la nuit a entamé sa mue, le chemin est encore long. « La prise de conscience est certaine, appuie Safiatou Mendy, formatrice pour la très active association Consentis. Mais tout cela est encore bien fragile. Le consentement n’est pas une simple notion, il doit se pratiquer au quotidien. »

L'Essentiel de l'article
  • Le personnel des boîtes de nuit, festivals, bars et autres lieux de la vie nocturne est de plus en plus formé
  • Les comportements inappropriés sont divers (harcèlement sexuel, violence physique, insultes) et aucun n'est acceptable
  • Si vous êtes victime ou témoin de comportement inapproprié et/ou dangereux, adressez-vous au personnel du lieu
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