La curiosité pour la sexualité est assez naturelle chez les ados. Pourquoi le porno les met-il en danger ?
Je voudrais préciser d’emblée que je n’ai rien contre la pornographie quand ce sont des images faites par des adultes pour des adultes. Car un adulte a l’appareil critique pour se mettre à distance, pour voir les trucages et ce qui est fait pour vendre. Il ne confond pas la pornographie avec une forme de réalité. Ce qui n’est pas le cas au moment où on forme sa fantasmagorie psychosexuelle. Il faut laisser nos enfants construire leurs fantasmes sexuels et ne pas leur offrir un prêt-à-penser qui soit toujours la même chose, c’est-à-dire la mise en exergue de la sexualité et de la puissance masculine associées à l’humiliation et à la dégradation de l’image des femmes. La curiosité sexuelle existe depuis la plus tendre enfance, pas sous la forme de pornographie, bien sûr. Mais, aujourd’hui, nos enfants tombent par hasard sur des images pornographiques sans aller les chercher. Et ils peuvent, à la fois, être terriblement choqués et excités en même temps. Or, la rencontre de ces deux sentiments peut provoquer une addiction qui se traduit par une consommation de pornographie gratuite pendant des heures, chaque jour, parfois dès 10 ans. Ces enfants ne savent plus ce qui est la réalité et ce qui ne l’est pas. Et comme il y a du son et de l’image, que ce sont des adultes, ils pensent que c’est ce qu’il faut faire. Mais ça les angoisse terriblement, garçons et filles, parce qu’ils savent qu’ils ne pourront jamais produire de telles performances ou avoir ces mêmes corps. Tout cela perturbe le développement psychosexuel de nos enfants.
Comme vous le dites, bien souvent, les contenus pornographiques sont en accès gratuit…
On estime que 25 % à 30 % des informations qui circulent sur Internet dans le monde relèvent de la pornographie. Ça représente pratiquement un million de sites, soit un marché de plusieurs milliards. Et les milliardaires du net ne sont pas prêts du tout à renoncer à des profits aussi importants. La pornographie et Internet sont intimement liés parce qu’il y a énormément de profits. Et, d’ailleurs, la stratégie économique est de mettre des annonces gratuites qui soient les plus transgressives possibles pour que des gens cliquent. Et s’il y a même 0,01 % de clics pour acheter les contenus, ça représente des profits considérables. Pour moi, les fournisseurs de ces contenus doivent s’astreindre à respecter la loi sur les mineurs(1). Ils déversent de l’image sur nos enfants et nos adolescents, ce qui est en contradiction avec la loi sur la protection des mineurs. Les sites qui se contentent de demander à l’internaute de ne cliquer que s’il est majeur se moquent du monde et de la loi française.
Que devons-nous faire pour protéger les ados ? Le mode « contrôle parental » est-il efficace ?
Les ados voient de la pornographie dans la cour de récréation, sur les smartphones des copains. On ne peut pas l’éviter. En plus, ceux qui ne veulent pas regarder sont moqués et exclus du groupe. Beaucoup de familles n’installent pas le contrôle parental. Et, de toute façon, il ne suffit pas. C’est à l’État de protéger nos enfants en faisant appliquer les lois de la France. Laisser nos enfants devant ces images sans commentaire des adultes et sans éducation, c’est de la barbarie. La pornographie n’apprend pas le consentement, elle apprend le contraire. Elle dit qu’une fille qui dit « non », en fait, ça veut dire « oui ».