Écrans et perte de contrôle : un danger pour les jeunes  ?

Plus de 4 jeunes sur 10 âgés de 15 à 30 ans passent au moins six heures par jour devant les écrans(1). Un phénomène inquiétant d’autant que cette pratique implique parfois d’autres problèmes, comme une perte de contrôle. À quel moment faut-il s’inquiéter pour son adolescent - mais aussi pour soi-même ? Éclairage et témoignages.

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Rédaction SoPress

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Une saturation d’écrans

Omniprésents dans notre quotidien, tant sur le plan social que professionnel, les écrans prennent même une place de plus en plus importante dans la vie des jeunes. 42 % des 15-30 ans passent au moins six heures devant un écran quotidiennement, et 13 % en passent dix ou plus. Un chiffre constant par rapport à 2022, mais qui confirme une hausse post-confinement.

Faut-il s’inquiéter – et à quel moment ? Quand peut-on parler de surconsommation, ou même d’addiction ? En réalité, comme l’explique la psychologue Karine de Leusse, il faut surtout se demander ce qui se cache derrière ce temps d’écran. « Le temps passé est un premier signe, explique-t-elle. Pourtant, l’indicateur majeur, c’est la difficulté à se détacher de l’écran. Si cela s’avère difficile, il faut commencer à se poser des questions. » En particulier en ce qui concerne les adolescents, en période charnière de leur développement. C’est ce que constate Florian, père d’une fille de 16 ans, plutôt désemparé : « C’est le principal sujet de fâcherie entre nous. Elle a toujours une bonne raison de garder son téléphone, pendant ses devoirs ou même dans son lit. La limitation pure et simple ne fonctionne pas : elle le vivrait comme une punition, qui ne ferait que renforcer son désir d’écrans. »

36 % des jeunes ont ressenti une perte de contrôle

face à leurs écrans au moins vingt fois durant l’année écoulée. (1)

Des applis qui font perdre le contrôle

Autre facteur alarmant : la perte de contrôle. 70 % des jeunes interrogés avouent l’avoir ressenti au moins une fois. C’est le cas de Robin, community manager de 26 ans. « Entre mon travail et mes loisirs, je peux vite monter à douze heures d’écrans par jour, raconte-t-il. J’ai un écran au moment de me coucher et je me réveille avec un écran. Forcément, je me dis que c’est excessif, mais en fait je ne le vis pas comme ça. » Car une fois rentré du travail, les écrans deviennent pour Robin un moyen de décompresser. « Quand je regarde une longue vidéo YouTube, ou que je joue à un jeu qui me plaît, c’est un temps choisi, dont je ressors enrichi. » La perte de contrôle arrive plutôt quand ce temps est subi : « Quand je passe deux heures sur TikTok alors que je voulais y passer cinq minutes, j’ai vraiment l’impression de perdre mon temps. »

Faut-il parler d’addiction ?

Certains psychologues refusent malgré tout d’utiliser le terme d’addiction aux écrans. Sans le réfuter totalement, Karine de Leusse relativise : « En effet, difficile de parler d’addiction au même titre que l’alcool et la cigarette, d’autant qu’on est quasiment obligés de les utiliser dans sa vie quotidienne et professionnelle. Pourtant certains comportements en relèvent. Qu’on parle d’addiction, de régression ou autre, peu importe : il faut comprendre à quoi ce comportement correspond pour chaque personne. »

Et cela passe déjà par comprendre les risques. Seuls 28 % des 15-30 ans, considèrent que l’usage des écrans peut être risqué, voire très risqué. « Ils ont une certitude, c’est qu’ils maîtrisent tout parfaitement, poursuit Karine de Leusse. Et au fond, ils maîtrisent effectivement très bien l’écran, mais ils ne connaissent pas les dessous de l’écran. »

En effet, les applications modernes savent jouer avec la chimie des cerveaux pour capter l’attention. Florian ne peut que constater : « Quand je la regarde enchaîner les vidéos TikTok ou YouTube pendant trois ou quatre heures, je me dis qu’elle n’a pas un réel contrôle de ces outils. Et même que ces applications sont conçues pour ça : un ado n’est pas équipé pour déjouer les techniques utilisées pour capter son attention. Et les adultes ne le sont pas tellement plus. »

Souvent, les activités personnelles en pâtissent, comme le constate Robin : « Mon problème depuis quelques années, c’est que j’ai l’impression de ne pas avoir le temps pour quoi que ce soit, raconte Robin. J’ai souvent envie d’avancer sur des projets personnels, mais c’est toujours plus facile de se mettre devant les écrans. »

La détox numérique : une fausse bonne idée ?

Mais alors, comment reprendre le contrôle ? La détox numérique, soit le fait de se couper d’écrans durant une période donnée, est une possibilité. Attention toutefois de ne pas y voir un remède miracle, comme l’explique Karine de Leusse : « Ça ne peut pas faire de mal, surtout si toute la famille le fait en même temps. Mais une détox seule, ce n’est rien du tout, c’est comme faire le Dry January [janvier sobre] et se remettre à boire comme avant. Ce qu’il faut, c’est fixer les bonnes limites. »

La psychologue conseille ainsi de « tout contractualiser. Il faut dresser avec l’ado un règlement intérieur avec un temps maximum par jour, par exemple, et quand l’enfant dépasse son temps attribué le décompter pour la journée du lendemain. Il faut redonner la vraie valeur du temps ».

Et ce contrat peut être dressé avec soi-même, comme le détaille Robin : « Souvent, je fais des emplois du temps de mon temps libre. Cela me permet de vraiment reprendre le contrôle sur mon temps justement. Malheureusement, dès que je traverse une période chargée, impossible de m’y tenir. »

Mais il ne s’agit dans tous les cas que d’une première étape. Pour Karine de Leusse, il faut « voir à quoi l’écran fait écran. C’est bien souvent un refuge, non pas le problème, mais la solution à un problème qu’il s’agit donc de résoudre avant toute chose ».

En attendant d’aller au bout de ce long processus, mieux ne vaut pas totalement noircir le tableau et se montrer optimiste, à l’image de Florian. « Toute une génération va souffrir des mêmes problèmes, mais aussi trouver des solutions ensemble. C’est une vie différente de celle que j’imagine, mais ma fille sera au moins autant armée que ses amies. Donc j’essaye de ne pas me faire trop de souci. »

Comment les jeunes gèrent les addictions ?

En 221, la Macif a lancé avec Ipsos le 1er baromètre sur les addictions et leurs conséquences chez les jeunes. Cette étude annuelle permet d’étudier les consommations de substances addictives chez les 16-30 ans et les comportements à risques qu’elles engendrent afin de proposer des solutions de prévention adaptées.

L'Essentiel de l'article
  • 42 % des 15-30 ans passent au moins six heures devant un écran quotidiennement
  • 70 % des jeunes interrogés avouent avoir ressenti une perte de contrôle au moins une fois
  • seuls 28 % des 15-30 ans considèrent que l’usage des écrans peut être risqué
  • S'il vous est difficile de vous détacher des écrans, cela peut être un indicateur d'un souci dans votre consommation
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