La bipolarité, qu’est-ce que c’est ?

Méconnue et entourée de fantasmes, la bipolarité touche pourtant 1 à 2,5% de la population française, soit 650 000 à 1,6 million de personnes. Récemment démystifiée sur les réseaux sociaux, à quoi ressemble le quotidien au rythme de cette maladie chronique ?

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Rédaction SoPress

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« Lors d’une phase dépressive, j’ai une grosse perte de motivation, un sommeil non réparateur et une fatigue constante, un manque de concentration et une perte d’appétit. En revanche, lors d’une phase maniaque, je deviens insomniaque, j’ai tendance à parler plus que d’habitude, mes pensées se bousculent, je mange plus que d’habitude, j’ai tendance aussi à dépenser beaucoup, je deviens irritable, et je peux aussi avoir un comportement risqué et un mauvais jugement », décrit Cécylia, 32 ans, résidant à Bagneux. Autrefois appelé psychose maniaco-dépressive, le trouble bipolaire est une maladie chronique qui se manifeste par des dérèglements de l’humeur. Il concerne, dans un spectre large, environ 1 à 2.5 % de la population générale et débute généralement entre 15 et 30 ans.

Quels signaux ?

Souvent, la méconnaissance des troubles associés à la maladie entraîne un retard de diagnostic, qui participe au risque suicidaire, élevé dans le trouble bipolaire quand il n’est pas rapidement pris en main. « Diagnostiquée à 30 ans, mais bipolaire probablement depuis mes 15 ans. Résultat : quinze ans d’épisodes dépressifs jusqu’à l’épisode maniaque qui a conduit à une hospitalisation », confie Laetitia dans un commentaire sur le groupe Facebook Bipolaire : vivre & comprendre ensemble qui réunit près de 10 000 membres. À quoi reconnaît-on une bipolarité ?

Dans sa forme la plus typique, le trouble bipolaire se caractérise par des alternances de périodes d’excitation de l’humeur (ce qu’on appelle la phase maniaque, pouvant s’associer à des prises de risque telles qu’une consommation excessive de drogues, des conduites à risques de tout genre), et des périodes de tristesse profonde (qu’on appelle phase dépressive, pouvant s’associer à une difficulté à réaliser ses activités quotidiennes, voire des pensées suicidaires) et enfin, de périodes de retour à la stabilité, qu’on appelle la phase d’euthymie. Il arrive de présenter un mélange des deux humeurs, maniaque et dépressif, tout au long de la journée. C’est ce qu’on appelle un état mixte. « Quand le traitement de fond par les régulateurs de l’humeur est efficace, l’intensité et la fréquence des cycles maniaco-dépressifs diminuent de manière significative, ce qui permet à la personne de retrouver une vie normale », clarifie le dictionnaire Vidal, ouvrage médical français.

Une maladie stéréotypée

Comment les spécialistes expliquent-ils l’avènement d’un trouble bipolaire ? Aujourd’hui, on parle d’un modèle « biopsychosocial », c’est-à-dire qu’il existe des interactions complexes entre la vulnérabilité génétique (liée aux gènes) et des facteurs environnementaux ou physiologiques divers (évènements de vie, consommation de drogues, grossesse traumatique…), ainsi que des stress répétés auxquels le sujet a du mal à faire face. Si on ne peut pas en guérir, la bipolarité se traite tout au long de la vie. Encore méconnue, la maladie reste entourée de fantasmes.

Selon l’OMS, la stigmatisation serait d’ailleurs l’obstacle le plus important à surmonter pour la prise en charge des maladies mentales. Certains stéréotypes ont la peau dure : les bipolaires changeraient de personnalité de manière effrayante à l’image de Natalie Portman dans le film Black Swan ; elles seraient incapables de prendre rigoureusement leur traitement, ou encore, elles seraient dangereuses et imprévisibles.

Depuis la crise sanitaire, les personnes concernées s’efforcent de déconstruire ces idées reçues, fortement influencées par la pop culture. Par exemple, le compte @payetapsychophobie (34k followers) fait, depuis 2019, un travail de déconstruction en diffusant des témoignages sans filtres. Ici, la parole est ouverte, chacun exprime ses doutes et ses craintes sur la maladie. Les bienfaits de la maladie sont même assumés. « Saviez-vous que les personnes bipolaires sont souvent très sensibles, et donc créatives ? », lit-on dans l’un des posts.

L’acceptation de la maladie sort depuis peu du monde virtuel, puisqu’au 59 avenue de la République à Paris, a ouvert la Maison Perchée, un lieu d’accueil associatif créé par et pour les personnes en situation de trouble psy (bipolarité, schizophrénie, borderline…) et basé sur le principe de la pair-aidance, soit une entraide entre personnes souffrant ou ayant souffert d’une même maladie somatique ou psychique, ou atteintes d’un même handicap.

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