Make-up mania : quel maquillage pour les ados ?

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Si la pratique est vieille comme le monde, elle prend aujourd’hui une autre dimension, plus virale, avec les réseaux sociaux, alors que les points de vente physiques ou digitaux se sont démultipliés. Raison de plus pour garder un œil sur nos jeunes et leur rapport au make-up.

Quand Elsa, 43 ans, a remarqué qu’Ada, sa fille de 13 ans, se maquillait, elle a un peu tiqué. « Pourtant, elle avait eu ses règles l’année précédente, qu’elle grandisse n’avait rien d’une surprise. Mais je n’ai pas trop aimé. C’est d’autant plus étrange que, pour être honnête, à l’adolescence, je me maquillais comme un camion volé. Avec tous les tutos qu’on trouve aujourd’hui, Ada a obtenu des résultats bien plus réussis. Mais, j’ai eu l’impression que ce n’était plus elle. » Pour Aude, 48 ans, le ressenti a été totalement différent avec Clélia, sa fille qui a aujourd’hui 15 ans : « Ça nous a donné quelque chose de nouveau à partager, ça nous a un peu rapprochées dans une période où, justement, elle s’éloignait. Elle me demande, parfois, mon avis, je lui prête mon maquillage et elle m’apprend de nouvelles techniques. »
Dans les deux cas, en fait, il s’agit, d’un « rite de passage » comme l’explique le psychiatre et pédopsychiatre Stéphane Clerget*, mais c’est aussi pour les ados une façon « plutôt saine d’essayer d’avoir le contrôle sur son corps, à un âge où, justement ils se modifient. Et puis c’est une manière d’essayer de se donner une allure un peu adulte quand on est plus jeune. Paradoxalement, le maquillage est aussi un moyen de se cacher. Et c’est ce qui permet de s’exposer tout en étant à l’abri, comme avec un masque finalement ».
 

Déconseillé avant la puberté

Vouloir se maquiller à l’adolescence est donc normal. Mais parfois les préados aimeraient aussi se farder comme les plus grands. Et là, il convient d’être vigilants, car il y a des considérations dermatologiques à prendre en compte. Ainsi, avant la puberté, il est bon de cantonner le maquillage à des évènements exceptionnels, comme le gala de l’école, le carnaval, etc., et de toujours utiliser des produits adaptés. « Chez les enfants, la peau est beaucoup plus fine, explique le Dr Isabelle Gallay, dermatologue à Dijon et vice- présidente du SNDV (Syndicat National des Dermatologues-Vénéréologues). Et ça favorise la pénétration de tous les actifs, de toutes les substances, ce qui augmente les risques de dessèchements, d’irritations, voire de développer des allergies. Alors qu’à la puberté, la peau devient plus épaisse. »
 

Aider son ado à préserver la bonne santé de sa peau

Si l’acné est la plaie de l’adolescence, il faut savoir que le maquillage peut le favoriser. On parle dans ce cas-là d’acné cosmétique. « C’est très répandu, note le Dr Gallay. Beaucoup de maquillages sont comédogènes, c’est-à-dire qu’ils vont boucher les pores, ce qui va favoriser le développement de kystes d’acné sous la peau. » D’où l’importance de choisir des produits adaptés, comme « un maquillage qui masque les imperfections, mais qui ne soit pas trop couvrant, qui ne risque pas d’empêcher le sébum de s’évacuer », conseille la dermatologue. Même logique si l’acné est déjà en place et que l’ado a la tentation, bien compréhensible, de vouloir camoufler boutons, points noirs et peau grasse, sous des plâtrées de fond de teint. Ce qui s’avère en réalité contre-productif. « Parce que, quand on a de l’acné, on a des glandes sébacées qui fonctionnent plus. Si ces glandes ne peuvent évacuer leur contenu parce que le maquillage fait barrière, parce qu’il est occlusif, ces glandes vont grossir et être à l’origine de la formation de kystes plus importants qui vont s’enflammer, et même parfois s’infecter, prévient le Dr Gallay. Mais heureusement, on a des gammes spécifiques à conseiller aux ados pour camoufler justement ces problèmes de peau, ces comédons » tient à rassurer la dermatologue. 
Enfin, pour la santé et la beauté de la peau, qui dit maquillage dit démaquillage. Une sacro-sainte étape. « Il faut un nettoyage soigneux tous les soirs, recommande-t-elle. On peut même faire un double nettoyage : d’abord avec un produit un peu plus émulsifiant si on utilise des produits gras. Et puis, un nettoyant plus léger pour continuer à nettoyer la peau. Et le matin, juste une pulvérisation d’eau minérale et un séchage soigneux avec un Kleenex bien propre. »
 

Faire attention à sa santé mentale

« Il y a plein de tutos de maquillage sur les réseaux sociaux et c’est chouette d’avoir ça à dispo quand on est ado, admet Aude, la maman de Clélia, mais ça leur met aussi une pression énorme. À un moment ma fille refusait de passer la porte de l’appart si elle n’était pas maquillée. Heureusement cette période n’a pas duré. » Une préoccupation parentale naturelle et surtout nécessaire, comme l’explique le pédopsychiatre : « Il faut faire attention et chercher à savoir si elle ou il se maquille parce qu’elle ou il se trouve moche et s’il y a derrière ça une mésestime, met en garde le Dr Clerget*. Et dans ce cas, il faut l’aider à s’aimer. Évidemment, ça ne se fait pas en une fois. On revient sur le sujet régulièrement pour discuter avec elle/ lui de ses qualités, de ses compétences, de ce qu’il y a d’appréciable chez elle/lui. On les valorise. On veille à ce que l’entourage les valorise également. On mène l’enquête pour savoir s’il n’y a pas des gens autour d’eux qui les dévalorisent. C’est un travail sur du moyen terme. L’important est de favoriser l’estime de soi au-delà de l’apparence. »

* Dr Stéphane Clerget, Le Guide de l’ado à l’usage des parents (Le livre de poche)

Établir et respecter un budget

Aujourd’hui, l’offre est devenue tellement énorme dans le domaine de la cosmétique que la tentation peut être grande de vouloir tout avoir, tout tester. « Au début c’est moi qui lui achetais son maquillage, raconte Aude. C’était aussi une façon de choisir et contrôler les produits qu’elle mettait sur sa peau. Mais elle a un peu trop cru que c’était la liste du père Noël : elle pensait pouvoir acheter pour plus de 50 euros par mois en cosmétique, alors j’ai mis le holà. Maintenant elle l’achète avec son argent de poche. Et on a établi un budget pour l’aider à comprendre et à faire des choix : quelle part de ses finances elle peut dépenser pour ses sorties, pour son maquillage, etc. » Le maquillage, la porte d’entrée pour faire comprendre ce qu’est un budget ? Finalement, les fards ne seraient donc pas tant superficiels... 

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