La socio-esthétique pour reprendre confiance en soi

Arrivée en France dans les années 1970, la socio-esthétique est de plus en plus présente ces dernières années dans le secteur médico-social, en proposant des soins soulageant les maux de populations fragilisées ou isolées. L’objectif : montrer que, malgré les difficultés traversées, le bien-être est toujours possible.

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Rédaction SoPress

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Des esthéticiennes, un peu magiciennes. Depuis presque dix ans, Amandine Hiron sillonne les routes de Mayenne, en tant que socio-esthéticienne, intervenant auprès de structures médicales, sociales et médico-sociales. « J’ai été la première dans le département, se souvient-elle. J’ai été formée à Tours au Codes (Cours d’esthétique à option humanitaire et sociale, ndr), la seule école qui, actuellement, est reconnue en France et qui a été créée en 1978 – période durant laquelle la socio-esthétique est née. » Socio-esthétique ? Un métier à la charnière entre deux mondes : celui de la mise en beauté et celui de l’action sociale.

Soin du visage, gommage du corps, pose de vernis, session maquillage, choix d’une tenue vestimentaire : la socio-esthétique, initialement créée pour apporter confort (et réconfort) aux personnes malades, connaît un essor ces dernières années, se tournant notamment vers l’insertion professionnelle et sociale des plus précaires. Si le résultat est tout aussi fructueux qu’une séance chez l’esthéticienne dans un institut de beauté, la socio-esthétique a une particularité : la gratuité. « Ce ne sont pas les bénéficiaires qui nous rémunèrent, mais les structures qui nous font intervenir, précise Amandine. Ce qui, parfois, peut être problématique, car nous dépendons d’un budget spécifique. Si la structure n’est pas en mesure de l’assumer, il faut aller chercher l’argent ailleurs. »

De la maternité aux personnes âgées, en passant par la détention

Depuis son apparition, la socio-esthétique est un outil particulièrement prisé des services oncologiques. La plupart des socio-esthéticiennes interviennent auprès de personnes atteintes d’un cancer. « L’idée est de pallier les effets secondaires externes des traitements », explique Amandine. Notamment l’un des plus importants : la sécheresse de la peau. « C’est quelque chose de tout bête, mais lorsqu’on a la peau sèche, ça démange, ça crée un inconfort, ça peut même entraîner des lésions, donc des risques infectieux », ajoute-t-elle. En apaisant cet effet, le patient observe une meilleure qualité de vie, améliorant ainsi l’efficacité de son traitement. Pour ce qui est des soins palliatifs, la socio-esthéticienne va davantage travailler sur la partie dite « confort » du patient. Mais aujourd’hui, la socio-esthétique ne s’arrête plus à la maladie et tend la main à l’ensemble des personnes précaires : des jeunes, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap ou éloignées de l’emploi… Tout est possible.

« On peut même intervenir dès la naissance, informe Amandine. Je suis par exemple intervenue sur des nouveau-nés dans le cadre du Sida. Il s’agissait de mères, souvent d’origine étrangère, qui méconnaissaient la maladie et qui n’osaient pas faire les soins de nursing à leur enfant, de peur de les contaminer. Par le biais de la socio-esthétique, elles ont pu retrouver le toucher bienveillant et rassurant de la maternité. »

Non loin de la Mayenne, ce sont dans les prisons nantaises que Léa Pitaud – socio-esthéticienne depuis sept ans – intervient, en animant des ateliers collectifs. D’un côté, le centre de détention pour les personnes en longues peines : « Souvent, ces personnes ne prennent plus soin d’elles, n’en voyant pas l’intérêt après quinze ans d’emprisonnement, raconte-t-elle. On va leur réapprendre l’hygiène de base : comment se laver les pieds, comment faire un gommage pour les mains pour nettoyer ses ongles. » De l’autre, le centre pour les plus petites peines : « Dans ce cas, on sera sur de la réinsertion sociale, ajoute Léa. On va travailler l’estime de soi, la confiance en soi, la capacité à se présenter auprès d’un employeur, à s’habiller, etc. » Les premiers à témoigner des bienfaits de la socio-esthétique en milieu carcéral : les gardiens. « Après une séance d’une heure, les prisonniers sont plus calmes. La soirée des gardiens est beaucoup plus tranquille et ils sont plus en confiance. »

Dans les Pays de la Loire, une cinquantaine de socio-esthéticiennes

Si l’on en croit les résultats d’une étude pour la Fédération des entreprises de beauté (Febea) et l’Agence du Don en Nature (ADN), publiée en mai 2023, la socio-esthétique semble faire l’unanimité. Des moments de détente et de relaxation pour 79 % des répondantes, et de convivialité, pour 64 % d’entre elles. « Ces parenthèses donnent le sentiment d’être en dehors de la précarité et permettent d’enclencher un parcours de conquête de l’estime de soi et de reconstruction nécessaire pour renouer avec l’insertion sociale et professionnelle », relève l’enquête. Les dons du secteur de l’hygiène-beauté aux associations organisant des ateliers collectifs ou séances individuelles représentent d’ailleurs 40 % des dons non alimentaires en France, « ce qui en fait le premier secteur donateur », souligne la Febea dans un communiqué. « Grâce à la socio-esthétique, ils prennent soin d’eux, ils se reconnectent à leur corps, confirme Amandine. Et surtout, quand ils rentrent chez eux, ils savent reproduire les gestes à l’aide des produits qu’ils ont fabriqués eux-mêmes. C’est hyper valorisant de rentrer chez soi avec ce qu’on a fait soi-même, on en ressort fier. » Léa, quant à elle, ne cache pas son propre plaisir : « Quel bonheur lorsqu’un de vos patients se regarde dans le miroir et se dit que c’est agréable. »

S’il est difficile de savoir exactement combien de socio-esthéticiennes exercent dans l’Hexagone, Léa en compte une cinquantaine dans les Pays de la Loire. Un chiffre qui devrait continuer d’augmenter selon elle : « Il y a de plus en plus d’écoles de qualité et une vraie envie d’accompagnement des personnes fragiles. » Prochaine étape : que la socio-esthétique soit reconnue comme profession indépendante et qu’il y ait un vrai remboursement – celui d’un « soin de support », au même titre que l’art-thérapie ou la sophrologie. « Cela permettrait de toucher encore plus de personnes et d’obtenir la subvention des agences régionales de santé et de l’État, souhaite la jeune femme. On va vers cela, lentement. » Mais sûrement ?

Pour toutes infos supplémentaires, consultez le site de la Fédération Nationale de Socio-esthétique : https://fnsefrance.fr/

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