Pourquoi les moins de 14 ans se sentent-ils seuls ?

Dans son dernier baromètre du mal-être, l’association SOS Amitié alerte sur une forte hausse des appels sur sa ligne d’écoute des moins de 14 ans. Ils évoquent des difficultés à l’école, avec leurs parents ou encore des envies suicidaires. Décryptage.

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Rédaction SoPress

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Quatorze ans n’est-il pas l’âge de l’insouciance ? Ce n’est plus une évidence pour la génération Alpha (enfants nés entre 2010 et 2025), jeunesse sacrifiée par la crise sanitaire et les confinements successifs qui ont démarré en 2020.

« Avant l’arrivée du Covid-19, les moins de 14 ans représentaient une petite dizaine d’appels par an. En 2022, on a répondu aux appels de 2 000 préadolescents. Une augmentation de 40 % », alerte Ghislaine Desseigne, présidente de l’association SOS Amitié. Au bout du fil, des jeunes isolés dépassés par l’actualité, de la guerre en Ukraine aux sécheresses, qui confient avoir une peur grandissante de l’avenir. « Ils nous disent qu’ils sont paumés, qu’ils reçoivent trop d’informations. La question du climat revient aussi beaucoup », poursuit Ghislaine Desseigne, qui ne masque pas son inquiétude.

Sans oublier le fléau du harcèlement scolaire, qui porte son lot de drames de plus en plus médiatisés. Quand ils n’osent pas décrocher le téléphone, les adolescents se reportent sur le chatbot de l’association. Des questions types reviennent assez souvent : « Est-ce que vous êtes un robot ? Est-ce que vous êtes un adulte ? Qu’est-ce qu’on va devenir s’il n’y a plus de saisons ? »

Construction identitaire et esprit clanique

En 2020, au plus fort de l’épidémie, les préados d’aujourd’hui avaient 12 ans. Un âge phare dans la construction identitaire, habituellement marqué par un esprit clanique important : « C’est à cet âge-là qu’on se construit par rapport au groupe, où l’on se détache des liens familiaux pour peu à peu investir la sphère amicale », souligne Laurence Corroy, professeure des universités à l’Université de Lorraine, spécialiste de la relation entre les jeunes et les médias. Elle dénonce une période empreinte de discours culpabilisants pour les adolescents, qui a foncièrement isolé les plus jeunes d’entre eux. « Non seulement l’école était fermée, mais ils devaient se tenir à distance de leurs proches les plus fragiles : on a coupé toute une génération de leurs repères sociaux et affectifs », dénonce-t-elle.

Une hyperconnexion nocive

Réinvestir des sphères sociales en présentiel, après des mois derrière son écran, est alors particulièrement éprouvant pour les adolescents, qui traînent l’impression de n’être plus adapté aux dynamiques collectives. « Le contexte les a enfermés sur eux-mêmes, ils ont du mal à investir leur sociabilité aujourd’hui », analyse Laurence Corroy.

L’accession au smartphone avant quatorze ans, provoquant une hyperconnexion nocive qui enferme les jeunes ados dans des bulles d’information, n’aide en rien selon elle. « Les journaux télévisés sont déjà anxiogènes pour les jeunes ados, ça reste une succession de mauvaises nouvelles. Mais au moins, ils sont modérés par les journalistes. Alors, imaginez la réception d’informations sur un smartphone ? » interroge Laurence Corroy. Hyper connectés, les jeunes adolescents parlent souvent du phénomène du « fear of missing out », soit la crainte de rater quelque chose de nouveau.

Des ados marqués par les réalités sociales du foyer

Les réalités sociales des adolescents et les difficultés économiques rencontrées par leurs parents sont, elles aussi, des sources d’angoisses. Depuis toujours, Samir Abdelli, éducateur et responsable du service de prévention spécialisée à Dévoluy dans les Hautes Alpes, part à la rencontre de la jeunesse dans les quartiers populaires. Si grandir dans un quartier n’est jamais chose facile, il constate des signaux particulièrement alarmants depuis quelques années. « Beaucoup plus de préadolescents décompensent : ils développent une sorte de phobie scolaire, sans passif particulier. Dans les cas les plus graves, ils fuguent, se scarifient. Ils nous envoient des appels à l’aide », témoigne-t-il.

Du terrain de sport au snack du quartier, Samir et son équipe essayent alors d’attirer leur attention, dans l’espoir de les sortir de leurs chambres et surtout de leur rumination mentale. « Les défis sont plus importants que jamais », termine Samir.

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L'Essentiel de l'article
  • Les moins de 14 ans sont de plus en plus nombreux à exprimer des sentiments de mal-être et de solitude
  • Des signaux doivent alerter : perte d'appétit, repli sur soi, tristesse, phobie scolaire entre autres
  • N'hésitez pas à faire appel à un.e psychologue pour aider votre enfant
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