Accès à la pornographie en ligne : comment gérer en tant que parent ?

L’omniprésence des écrans dans la vie de nos enfants et de nos adolescents entraîne leur exposition précoce à des images pornographiques. Or ce n’est pas sans conséquences sur leur développement et leur santé mentale. Des parents livrent leurs expériences et partagent leurs méthodes pour protéger les enfants.

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Rédaction SoPress

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Julien* n’est pas près d’oublier cette soirée de juillet dernier. « On avait loué une grande maison avec plusieurs familles d’amis pour les vacances, relate-t-il. Les enfants disposaient de tout le dernier étage. Un soir, alors que nous prolongions la soirée dans le jardin avec les autres adultes, je suis monté pour voir si les plus petits dormaient. En sortant de leur chambre, j’ai entendu mon fils aîné de 12 ans, qui était dans la chambre d’à côté avec deux copains de 13 et 15 ans, et que je croyais en train de jouer à la console, prononcer cette phrase qui n’a pas cessé de me hanter depuis : “Vas-y, remets l’éjac’ faciale.” » Le père de famille feint alors de tousser très fort et entend les adolescents ricaner. « Je suis redescendu avec les jambes en mousse et j’ai mis deux jours avant de réussir à parler de cet épisode à ma femme », se souvient-il. Sonia a également vécu un choc du même genre. Mère d’une jeune fille de 14 ans, elle confie avoir « eu le vertige » en découvrant, via le contrôle parental installé sur l’iPhone de l’ado, des expressions obscènes entrées dans le moteur de recherche. « J’ai halluciné, rejoue-t-elle. J’étais à des années-lumière d’imaginer qu’elle connaissait l’existence de certaines terminologies abominables. Et, pire, qu’elle avait pu visionner de telles images ! »

Plus d’un ado sur deux accède à du contenu porno avant 15 ans

Les cas de Julien* et de Sonia sont, hélas, d’une banalité déconcertante. En effet, selon une enquête Ifop publiée en 2023 sur Les effets du porn sur la sexualité et les rapports de genre à l’heure du vote de la loi numérique, 57 % des jeunes de 18 à 24 ans avaient moins de 15 ans lors de leur première visite d’un site pornographique. Une proportion en nette progression, puisqu’ils n’étaient que 30 % en 2013. Il faut dire que les sollicitations sont nombreuses. Il arrive qu’en effectuant de simples recherches pour télécharger illégalement des séries ou de la musique, les jeunes voient des pop-ups avec des images pornographiques envahir leur écran, et cela malgré l’installation du contrôle parental. Le clic est parfois accidentel, parfois guidé par une curiosité parfaitement naturelle à leur âge. Dans l’enceinte même des collèges et des lycées – et, plus rarement, des écoles primaires –, des images pornographiques circulent sur des smartphones et des tablettes avec autant de facilité que les cartes Pokémon.

Résultat ? Les enfants se retrouvent nez à nez avec des contenus sexuels inadaptés à leur niveau de maturité, souvent violents, marqués par l’absence d’affects et véhiculant majoritairement des images dégradantes pour les femmes et des scénarios dans lesquels le consentement fait défaut. En somme, des représentations qui, en plus de ne pas représenter la réalité, peuvent s’avérer dramatiques sur la construction mentale et sexuelle des jeunes.

Accompagner sans culpabiliser

Après une longue discussion avec sa compagne, quelques nuits d’insomnie et un coup de fil à un ami psychologue, Julien* a finalement proposé à son fils d’aller surfer un week-end tous les deux sur la côte basque. Assis sur la plage après avoir bien profité des vagues, il a lancé la discussion sur le porno. Mal à l’aise, l’ado a d’abord tenté de changer de sujet, d’esquiver, avant qu’un dialogue ne s’amorce. « On a parlé du plaisir sexuel, de ce qui est naturel et de ce qui est fictionnel, et, surtout, de l’importance du respect et du consentement », résume le père de famille. En tout cas, il n’a ni culpabilisé, ni puni, ni humilié son fils. Bien au contraire, il a pris le temps de le mettre en confiance pour aborder ces sujets délicats mais incontournables. Et c’est justement ce que préconisent les professionnels. Sonia, elle, a réalisé qu’elle avait trop attendu pour aborder des questions aussi essentielles que le consentement. « J’aurais dû commencer à lui dire quand elle avait 2 ans qu’elle avait le droit de refuser d’embrasser ses grands-parents pour les remercier d’un cadeau, qu’on n’est jamais obligé d’accepter un contact physique, regrette-t-elle. J’ai souvent abordé des sujets comme les MST ou la contraception, mais j’avoue que le porno est quand même un truc hyper gênant ! »

Pour aider ados et adultes à s’informer sur ce thème épineux, l’association Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique propose des fiches en accès libre dans un dossier consacré à la Protection des enfants face au porno en ligne. Dont une intitulée : Parlons porno. L’État a également mis en place plusieurs sites utiles, regorgeant de références en la matière. Ainsi, sur Onsexprime, lancé par Santé publique France, on trouve des infos sur les premières fois, le plaisir sexuel, le consentement, le genre, etc. La plateforme Jeprotegemonenfant est, quant à elle, dédiée à l’information et à l’accompagnement à la parentalité numérique. Depuis 1995, le Fil Santé Jeune permet aux enfants et aux adolescents de se confier anonymement à des personnes de confiance. Laisser les coordonnées en évidence, par exemple sur le frigo ou à côté du placard à pharmacie, peut donc s’avérer utile. Enfin, les parents qui découvrent que leurs enfants ont consulté des contenus illicites peuvent signaler les sites en question via l’association Point de contact.

 

* le prénom a été changé

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