L’animal, bon pour le moral

Ils sont doux, affectueux, sincères… Il y a tant de raisons de préférer la compagnie des animaux. D’ailleurs, en France, ce n’est pas 30, mais 80 millions d’amis que l’on compte. Ce nombre s’explique notamment par les bienfaits de l’animal sur la santé de l’homme. Ces dernières années, chiens, chats, chevaux, lamas et même dauphins sont mobilisés à des fins thérapeutiques pour améliorer le bien-être des personnes âgées ou traiter le stress post-traumatique.

Temps de lecture : 9 min

à propos du contributeur

mook vous par macif
Vous! par Macif et So Press

Cet article est issu du magazine Vous! par Macif #1, réalisé avec So Press et sorti en mai 2023.

« Lama thérapie » : tendance ou vrais bienfaits ?

« Un lama en maison de retraite ? » Voilà ce qu’a pu entendre Benjamin Leroy-Blanc après avoir émis l’idée d’un élevage de camélidés, éduqués pour travailler en zoothérapie. C’était en 2014. Trader à la City de Londres puis à Paris, Benjamin se lasse. Son travail manque de sens. Cet amoureux des animaux décide alors de quitter la capitale britannique et de se former spécifiquement à l’élevage de lamas et – surtout – à la médiation animale. Seul hic : à Six-Fours-Les-Plages, commune située dans le département du Var, les lamas ne courent pas les rues. « Ceux que j’ai pu trouver appartenaient à des activités agricoles qui les utilisaient pour débroussailler, raconte Benjamin. J’en ai trouvé un dans un cirque, aussi. » Aujourd’hui, la ferme pédagogique compte cinquante lamas, dont Jules. La star. C’est avec lui que l’institut de zoothérapie baptisé Le Corral des lamas a démarré. « J’ai très vite constaté les qualités des lamas pour la zoothérapie, poursuit l’éleveur. Ils sont très calmes, domestiques, patients, intelligents et d’une gentillesse inouïe. Leur côté laineux est rassurant, aussi. Ils savent s’adapter aux besoins de la personne et adorent les câlins. » On est très loin du lama crachant sur les gens par agacement, que Hergé dessine dans Tintin au Tibet. Au minimum cinq fois par mois, Benjamin embarque ses compagnons laineux et part à la rencontre de résidents d’Ehpad. Certaines visites le marquent particulièrement : « Il y avait un monsieur complètement éteint, qui ne parlait à personne. Son insertion au sein de l’Ehpad était visiblement très compliquée, se souvient-il. Dès qu’il m’a vu arriver avec le lama, il a commencé à sourire, à me parler et à me poser des questions. En psychiatrie, j’ai pu grâce à l’animal être témoin de réconciliations familiales. Des moments très forts. »

zoothérapie

 

Le succès est tel qu’on parle même de « lama thérapie ». Une tendance qui se développe un peu partout dans le monde : des États-Unis, où l’alpaga Napoléon – comptant quatre mille trois cents abonnés sur Facebook – est devenu une coqueluche pour différentes maisons de retraite de l’Oregon, jusqu’au centre de l’Équateur, où la création d’un centre de lama thérapie est en projet. La médiation animale « encourage la prise d’initiative, favorise l’expression, les interactions, crée du lien, fait travailler l’autonomie, apaise les angoisses, améliore la mémoire », et plus encore, peut-on lire sur le site de l’association Le Lama et ses ressources, qui propose des séances de lama thérapie en Essonne.

La zoothérapie, remède au stress post-traumatique

Si les pouvoirs thérapeutiques du lama sont indéniables, il semblerait qu’ils s’appliquent à l’ensemble des animaux, formés à la médiation animale. Le nombre de fermes pédagogiques ne fait que confirmer la tendance : en 2003, on comptait en France près de mille quatre cents fermes spécialisées. Un chiffre qui, vingt ans plus tard, a augmenté. Surtout si l’on ajoute certains refuges, également mobilisés pour accueillir des séances de zoothérapie. C’est le cas d’Ava (Agir pour la Vie Animale), situé en région Normandie – à Cuy-Saint-Fiacre plus exactement. Tous les quinze jours, l’association reçoit des victimes d’attentat ou de viol, tous patients de l’Institut de victimologie, spécialisé dans le traitement du stress post-traumatique. À l’origine de ce programme : Delphine Morali-Courivaud, psychiatre et directrice médicale de l’institut. « La particularité de ce programme est que ces animaux ne sont pas formés à la zoothérapie. Les patients passent la journée avec des chiens, chats et chevaux abandonnés ou maltraités dont le refuge a la charge, explique-t-elle. Il y a comme un effet miroir. Les patients deviennent à leur tour soignants. »

Après de longues balades parmi le troupeau de daims, après avoir nourri les chevaux ou câliné la centaine de chats, la psychiatre s’émerveille face aux progrès de ses patients. « Le stress post-traumatique développe une hypervigilance qui progressivement les isole aussi bien socialement qu’affectivement, détaille-t-elle. Grâce à l’animal, ils recréent du lien, sortent de leur bulle de solitude et retrouvent de l’estime de soi. » L’animal apaise, réconforte et, dans certains cas, sauve : « Des patients m’ont confié que la seule chose qui parfois les empêchait de se suicider, c’était leur lien avec leur chat ou leur chien. »

Éclair, premier labrador d’assistance

À ce jour, très peu d’études françaises existent sur l’impact de la pet-therapy (ou thérapie par les animaux) auprès de patients qui souffrent d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elles représentent moins de 2 % des études publiées sur le sujet. Mais Benjamin Borg n’a pas besoin de preuves scientifiques pour être sûr des bienfaits de l’animal dans le traitement du TSPT. Il y a presque trois ans, cet ancien militaire et sapeur-pompier professionnel a créé la CAPE, une association de chiens d’assistance aux personnes en état de stress post-traumatique. La toute première en France. « En voyageant en Europe, j’ai pu constater qu’il existait des chiens pour des personnes en état de stress post-traumatique. Un peu partout, sauf en France, déplore-t-il. Lorsqu’il y a eu la 131e victime des attentats de Paris – personne qui s’est suicidée deux ans après – sans oublier les militaires qui rentraient d’opérations extérieures et qui, quelques mois après, mettaient fin à leurs jours, j’ai décidé d’agir. » C’est ainsi que le 14 juillet 2022, Frédéric, un militaire des forces spéciales et blessé de guerre, accueillait Éclair, première chienne d’assistance.

Si l’on en croit Benjamin Borg, elle sait tout faire : « En cas de cauchemar, elle va réveiller son maître, allumer la lumière. En journée, même chose. Elle peut constater une anomalie dans le comportement de son maître – des tocs par exemple – et l’interrompre. S’il est pris d’une agoraphobie, il peut s’accrocher à elle. Elle peut alerter les voisins en aboyant ou même appeler les secours en appuyant sur téléassistance… » Si Super-Éclair est la première, elle ne sera pas la dernière. D’ici 2025, Benjamin espère remettre une vingtaine de chiens d’assistance.

L’empathie, le propre de l’animal

Ces dernières années, la zoothérapie fait beaucoup parler d’elle. En réalité, cette pratique est loin d’être nouvelle puisqu’elle remonte, précisément, à 1792, lorsque des protestants Quakers anglais ont décidé de placer des patients en compagnie de lapins ou de poules. L’objectif : aider ces personnes à mieux contrôler leurs émotions. Après cette première expérimentation, les animaux font progressivement leur entrée dans les hôpitaux psychiatriques britanniques. Mais c’est de l’autre côté de l’Atlantique que les premières études scientifiques sont conduites. Dans les années 1960, le pédopsychiatre américain Boris M. Levinson obtient des résultats bénéfiques en utilisant le chien comme « cothérapeute » de l’enfant présentant des troubles psychiatriques. Il fait aujourd’hui figure de pionnier.

Pour autant, comment explique-t-on les pouvoirs thérapeutiques que possèdent nos amis les bêtes ? « L’éthologie (l’étude du comportement des animaux en milieu naturel, ndr) a bien fait ressortir le fait que les animaux, et spécifiquement les chiens, ressentent des émotions, dont certaines peuvent être associées à une forme de compassion. La relation avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots, écrit Elisa Chelle, professeure des universités en science politique à Paris Nanterre, dans un article publié sur The Conversation. L’animal permet à l’être humain de développer une communication non verbale. [Il est] une présence, un être vivant auquel on peut parler, même confusément, ou ne pas parler du tout. » La chercheuse pointe d’ailleurs la place singulière qu’occupe l’animal dans notre imaginaire collectif, en citant quelques exemples : le jeune Mowgli élevé par des loups dans Le Livre de la jungle, Tarzan grandissant parmi une tribu de gorilles, ou encore le Petit prince apprivoisant le renard qui deviendra pour lui « unique au monde ». « L’animal apparaît comme un semblable avec qui nous partageons des réactions et des émotions », conclut la chercheuse.

Plusieurs études montrent l’impact positif de la présence animale. Selon celle publiée en 2019 dans le journal de l’American heart association, les propriétaires de chiens voient leur risque de mortalité baisser de 24 % et celui de subir une attaque cardiaque de 31 %. Une autre étude réalisée par des chercheurs du Centre Médical de l’Université du Michigan en février 2022, confirme la tendance. Communiqués par le site EurekAlert!, les résultats sont sans appel : vivre avec un animal de compagnie pendant cinq ans ou plus permettrait de réduire le stress et de ralentir le déclin cognitif. Est-ce pour cette raison que la France figure parmi les pays d’Europe où l’on compte le plus de chiens et de chats (le haut du podium revenant aux poissons) ? Sans doute.

Au total, on recense en France – selon les statistiques de Facco-Kantar –, 80 millions d’animaux de compagnie. Et comme à peu près tout, le Covid n’a fait que renforcer l’expérience. Selon un sondage Ifop réalisé en 2020, plus de la moitié des Français déclare posséder un animal de compagnie et un quart de ceux qui n’en ont pas encore, pensent en acquérir un. Pourquoi pas un lama ?

Le mook Vous! par Macif #1 est à retrouver ici dans son intégralité.

Article suivant
The website encountered an unexpected error. Please try again later.