Antilles : sensibiliser au risque de tsunami

Jusqu’aux années 2000, aucune prévention au risque de submersion marine n’était réalisée aux Antilles. Les autorités publiques ont désormais pris conscience de l’enjeu. Pour certains, il faut aller plus loin.

Temps de lecture : 6 min

à propos du contributeur

Chut! Magazine
Chut! Magazine

Avec Chut!, Macif explore les solutions possibles face aux risques liés au changement climatique

26 décembre 2004. Le monde découvre un mot japonais, inconnu jusque là en-dehors des frontières de l’archipel, et la puissance d’un phénomène naturel : tsunami. Ce jour-là, un séisme de magnitude de plus de 9 sur l’échelle de richter secoue les terres sous-marines, au large des côtes de l’île de Sumatra,en Indonésie, dégageant une énergie équivalente à 23 000 fois la puissance de la bombe atomique d’Hiroshima. Vingt minutes plus tard, une première vague déferle sur les abords de Banda Aceh, au nord de Sumatra. Certaines atteignent les 30 mètres de hauteur. Au total, neuf pays du Sud de l’Asie seront touchés par ces déferlantes de mer. Plus de 220 000 personnes perdront la vie dans la catastrophe. Pascal Saffache, géographe et professeur à l’Université des Antilles, est le premier à avoir alerté sur la possibilité qu’un événement comparable se produise au cœur des Caraïbes. « Les pouvoirs publics affirmaient alors que jamais un tsunami n’avait touché la Martinique ou la Guadeloupe. J’ai entrepris des recherches et ai retrouvé la trace de nombreux événements », pose-t-il. Le dernier date de 1939. Le volcan Kick’em Jenny, au large de l’île de la Grenade, entre en éruption. L’onde qu’il engendre met une dizaine de minutes à atteindre les côtes méridionales de la Guadeloupe. Aucune victime humaine ne sera à déplorer « mais les dégâts matériels sont importants », souligne l’universitaire.

Etat de préparation

L’opiniâtreté du professeur de géographie finit par payer. A partir de 2008, les services de l’Etat commencent à anticiper et à préparer la population à la survenue d’une telle catastrophe. L’enjeu est majeur. Mandaté en 2011 par l’Unesco pour évaluer l’état de préparation des territoires français des Caraïbes, le météorologue Gaël Musquet prend la mesure du danger. « Si aucune prévention n’était installée, j’ai évalué le risque à 500 000 morts », raconte-t-il aujourd’hui. La même année, en 2011, la Martinique comme la Guadeloupe participent au premier exercice d’alerte au tsunami organisé par l’Onu dans la région, « Caribe Wave ».

L’idée : imaginer que se reproduisent les conditions d’une catastrophe passée. Dans un exercice de simulation, après les messages d’alerte reçus, les agents publics testent alors les procédures d’intervention et d’évacuation, quand les élèves des établissements participants vident leurs classes pour rejoindre les lieux de rassemblement. Pour l’édition 2025, à nouveau, les Antilles françaises ont été au rendez-vous, à l’unisson de 48 pays et territoires. « Nos agents se retrouvent confrontés aux situations. Ils prévoient quels seront les gestes nécessaires pour ajuster ensuite nos politiques de prévention des risques et organiser des formations en interne. Il faut se confronter au réel », explique Judith Laborieux, adjointe à la sécurité du maire du Lamentin, en Martinique.

Culture du risque plus marquée

Caribe Wave donne l’occasion de campagnes d’information mais la simulation, elle-même, ne concerne pas la population dans son ensemble, seulement les fonctionnaires de certaines institutions et les élèves des écoles. « C’est le reproche qu’on peut faire à ce genre d’exercices. Ils devraient concerner tout le monde », estime Pascal Saffache. Si la population antillaise fait preuve d’une culture du risque plus marquée que dans l’Hexagone, « les exercices servent à la prise de conscience générale mais ce n’est pas pour autant que chacun a préparé son kit de survie », reconnaît Judith Laborieux. Difficile toutefois d’incriminer la population, quand tous les acteurs publics ne jouent pas la partie totalement. « La France reste attentiste face à ce risque », considère Gaël Musquet. « Des chercheurs, Matthieu Péroche et Frédéric Leone, ont entrepris un formidable travail de terrain de cartographie des sites refuges, pour lequel il faut leur rendre hommage. Ils ont sué sang et eau pour comprendre les difficultés des populations pour évacuer et désigner les chemins les plus sûrs, poursuit le météorologue. Or, les collectivités ne s’en emparent pas assez. »

« Sur les 27 communes littorales de Martinique [qui en comptent 34, NDLR], une bonne dizaine se sont dotées de la signalétique idoine et ont identifié des lieux de refuge », complète Pascal Saffache. La communauté d’agglomération Centre Martinique (Cacem) fait partie de ces collectivités qui ont travaillé le sujet : signalétique, cheminements sûrs et équipement des zones d’accueil. « Mais l’enjeu financier est énorme », souligne Laurence Louison, chargée de mission « risques majeurs » à la Cacem. Surtout, insiste-t-elle, dans le contexte de dérèglement climatique « qui oblige notre territoire à être résilient ».

Toucher les familles

« L’Etat devrait pourtant comprendre que les sommes investies dans la prévention sont bien moindre que quand il faut réparer les catastrophes et les crises sociales qui en découlent. On n’a pas besoin de sous après mais avant », pointe Judith Laborieux. Elle-même tente de convaincre des partenaires de financer l’équipement des kits de survie pour les 38 000 enfants scolarisés sur la commune, en maternelle et en primaire. « Une façon de toucher toute leur famille, leurs grands frères et sœurs, leurs mères, leurs tantes pour qu’elles se mettent à leur tour à préparer un kit », explique l’élue. La cellule familiale, c’est aussi le niveau de sensibilisation que préconise Gaël Musquet. « Au Chili, on évacue plus d’un million de personnes en moins de 45 minutes. C’est le résultat du plan mis en place par la présidente Michelle Bachelet [de 2006 à 2010 et de 2014 à 2018], un plan national nommé Familia Preparada. Beaucoup se joue dans la cellule familiale. » Un modèle pour la France ?

La Macif vous aide à agir pour réduire les dommages liés aux risques naturels.

Article suivant