Handicap : faire la fête comme les autres

En boîte de nuit, en festival ou dans une salle de concert, est-il possible de faire la fête quand on est en fauteuil roulant ? Entre accessibilité et regard des autres, plusieurs témoins partagent leurs expériences, bonnes et mauvaises, pour sensibiliser le plus grand nombre.

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Rédaction SoPress

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Pouvoir déambuler de scène en scène, apercevoir artistes et musiciens, siroter une bière et se restaurer… En 2023, 5,3 % des Français, en situation de handicap moteur, ne jouissent pas de cette liberté. Pour ces 2,3 millions de personnes, l’expérience du festival et de la fête en général peut au contraire s’apparenter à un parcours du combattant. Accessibilité en demi-teinte, personnel peu formé, le milieu de la fête est souvent synonyme d’obstacle, qu’il soit visible ou invisible.

« La société est validiste, c’est-à-dire qu’elle fait preuve de discrimination envers les personnes en situation de handicap : la fête n’y échappe pas, elle en est parfois l’incarnation même », assure Charlotte Puiseux, 34 ans, membre du collectif handiféministe Les Dévalideuses. Selon elle, la société peine à considérer la fête pour toutes et tous. « On pense souvent à tort que les personnes handicapées n’auront de toute façon pas le cœur à se divertir, on a de trop lourds problèmes à gérer à leurs yeux ! », poursuit Charlotte Puiseux.

Femmes, handicap et fête : la crainte des agressions sexuelles

Au-delà de ce préjugé, la fête est parfois synonyme de frayeurs pour les personnes en situation de handicap. L’euphorie du public, le fourmillement des spectateurs ou encore les lumières éblouissantes peuvent causer des peurs décourageantes pour les porteurs d’un handicap. Sans compter les risques d’agressions sexuelles pour les femmes. « On se sent rapidement en insécurité dans les lieux de fête : le déplacement est très difficile, il fait sombre, un tas de cas d’attouchements sexuels nous sont remontés chaque année », déplore Charlotte Puiseux, à l’initiative d’une étude sur les femmes et le handicap dans l’espace public. Gérer son état d’ébriété et celui des autres devient alors une charge mentale qui incombe aux personnes handicapées. Et pas aux organisateurs ni aux autres festivaliers.

Des référents handicaps pour améliorer l’accueil en festival

Anthony Penaud, 42 ans, non-voyant depuis la naissance et président de l’association Oréa, a un avis plus nuancé sur la question. « Je trouve que les choses évoluent dans le bon sens : les organisateurs d’évènements commencent à questionner les personnes en situation de handicap pour améliorer leurs conditions d’accueil », admet-il. Depuis quelques années, il est devenu référent handicap de plusieurs festivals nantais comme le festival Hip Opsession, où les battles de rap sont désormais retranscrites en audiodescription. « Il ne suffit pas d’être un lieu accessible : je recommande toujours un accompagnement humain sur place », ajoute-t-il.

« Demander un tabouret en lieu festif est déjà un parcours de combattant »

Peu à peu, les aménagements dédiés aux spectateurs en situation de handicap évoluent et ont même prouvé leur capacité d’innovation : des plateformes surélevées près des scènes pour mieux voir les artistes, des parkings, des toilettes, des places de camping accessibles en fauteuil roulant, ou encore des gilets vibrants pour permettre aux personnes sourdes et malentendantes de ressentir le rythme de la musique.

À l’occasion de la traditionnelle Fête des Lumières à Lyon, les personnes en situation de handicap sont accueillies au Parc de la Tête d’Or par une équipe handi-accueillante munie de gilets verts qui leur propose un tour de la ville adapté. Dans la marche des fiertés, des cortèges handicap apparaissent comme de véritables lieux sûrs. « De tout petits aménagements changeraient tout : à l’heure actuelle, demander un tabouret en lieu festif est déjà un parcours de combattant ».

Avec son collectif, Charlotte milite pour que des aménagements soient pensés dès la construction du lieu, pour éviter du bricolage par la suite.

45 000 euros d’amende

En France, la loi encadre l’accessibilité des lieux qui accueille du public depuis 2005 : le gérant d’un club ou l’organisateur d’une soirée dans un hangar qui n’a pas rendu sa fête accessible « à tous, pour tous » encourt une amende de 45 000 euros. Mais des dérogations existent et sont basées sur l’impossibilité technique, la disproportion manifeste du coût des travaux ou la préservation du patrimoine historique.

Résultat : « À Paris, il y a encore un très grand nombre de lieux festifs très connus qui ne prévoient aucun accès spécifique », déplore Charlotte Puiseux.

Manifestement, il reste encore beaucoup de travail pour que nous puissions tous faire la fête.

Handicap : La Macif accessible

Dans ses offres et services, la Macif s'engage à prendre en compte les besoins spécifiques.

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