Pour Rémy, la petite trentaine, tout a commencé par une vidéo d’un exploit du traileur (pratiquant de trail) français Mathieu Blanchard, envoyé par un de ses amis avec le message : « Quand est-ce qu’on s’y met ? » « Ça m’a donné envie de regarder d’autres vidéos, explique le coureur, et j’ai fini par m’inscrire dans un groupe de trail dans ma région, les Alpes. » Si l’ami qui lui avait envoyé la vidéo à l’origine de sa nouvelle passion a finalement renoncé à se lancer dans la course en plein air, Rémy, lui, est devenu complètement accro. « J’aime la combinaison de l’effort, de la performance, de l’entraide et du contact avec la nature », résume-t-il.
Des kilomètres, et parfois des chutes
Le trail, abréviation de l’expression anglo-saxonne « trail running », est une course à pied en milieu naturel, qui peut se dérouler sur des sentiers de randonnée, en forêt ou en montagne, selon le niveau des pratiquants. Apparue en France il y a une dizaine d’années, cette pratique sportive a explosé après les confinements imposés au cours de la crise sanitaire. Il y aurait plus de 1 million de pratiquants en France, et plus de 4 000 courses de ce type sont organisées chaque année. Les amateurs vantent ses qualités sur la santé, le bien-être et l’évacuation du stress. La grande tendance du moment, ce sont les trails de courte distance, appelés « sub-ultra ». Ils se déroulent sur des distances de 20 km à 50 km, pour une moyenne de 80 km pour les trails traditionnels. Dyana a tout juste 23 ans, et elle affiche déjà plusieurs compétitions de trail au compteur. « Je cours en club depuis que j’ai une quinzaine d’années, précise-t-elle. Et j’ai commencé le trail avec mes parents il y a trois ans. Au départ, on partait sur des petites distances, en général moins de 10 km. Et puis on a augmenté progressivement et on s’aventure aujourd’hui sur tous les terrains, même s’ils sont glissants, boueux ou accidentés. » Elle a d’ailleurs connu quelques chutes. « Je me suis fait une entorse il y a deux ans, en trébuchant sur une racine, décrit-elle. La rééducation a été un peu longue et je garde une petite appréhension, car si ça se reproduisait, je serais de nouveau privée de trail pendant quelques mois. Mais, en même temps, ça aurait très bien pu m’arriver sur un trottoir ou en sortant du bus pour aller travailler », relativise-t-elle.
La rançon du succès
Eliott, lui, a découvert le trail avant la pandémie. « Heureusement, j’habite près d’un petit bois, dans les Yvelines, confie le quadragénaire. Cela m’a permis d’aller courir une petite heure tous les jours pendant le confinement, en respectant la réglementation. Donc, je n’ai finalement pas trop perdu. » Il a constaté l’engouement croissant pour sa pratique depuis la sortie de la crise du Covid. Mais il ne s’en réjouit pas forcément. « Le succès est tel que c’est devenu un enfer pour s’inscrire aux compétitions, regrette-t-il. Parfois, dès les premières heures, toutes les places sont écoulées. Même en m’y prenant dès l’ouverture des ventes, il m’arrive de me retrouver sur liste d’attente. » Il assure aussi que « le trail est devenu un énorme business » et que l’augmentation du nombre de pratiquants a eu un impact sur le prix des équipements. « J’ai payé ma dernière paire de chaussures de trail près de 150 euros, c’est de la folie », s’emporte-t-il. Il aimerait participer à l’Ultra-Trail Mont-Blanc (170 kilomètres de course autour du Mont-Blanc, dont 10 000 mètres de dénivelé positif) organisé tous les ans au mois d’août à Chamonix, mais il estime devoir s’entraîner encore un peu. Une autre conséquence de l’explosion du trail inquiète Dyana. « Nous sommes si nombreux à courir que nous avons nécessairement un impact négatif sur l’environnement, lance-t-elle. Nous abîmons les sentiers. Et il y a parfois du matériel qui se perd en chemin, comme des gourdes, des casquettes ou des serviettes en microfibres. Je serais frustrée si je devais me restreindre, mais je pense quand même que le trail devrait être beaucoup plus réglementé pour limiter les dégâts sur la faune et la flore. » Chaque médaille a son revers, malheureusement.