Vivre à la campagne : les idées reçues

Les campagnes les voient arriver depuis un moment, et plus encore depuis la pandémie de Covid-19. Fuyant la ville pour une ruralité plus paisible, les néoruraux peuvent parfois susciter moqueries et clichés. Mais que représente concrètement ce choix de vie ? S’installer, se déplacer, accéder à des services de santé ou à une vie culturelle épanouissante, est-ce si différent qu’en ville ? Tout dépend de ce que l’on vient chercher.

Temps de lecture : 7 min

à propos du contributeur

so press
Rédaction SoPress

Avec SoPress, la Macif a pour ambition de raconter le quotidien sans filtre.

Des motivations diverses

Une maison, un jardin, la tranquillité. Qui n’en rêverait pas ? Si la ville reste le lieu des opportunités professionnelles, la campagne attire. Selon une étude de Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (POPSU), 18 % des déménagements réalisés chaque année se font vers des communes rurales (moins de 2 000 habitants), auxquels s’ajoutent 19 % pour les villes en dessous de 20 000 habitants, des chiffres en légère hausse chaque année. Mais cette enquête souligne aussi que tout le monde ne se met pas au vert pour les mêmes raisons. En recherche d’un mode de vie alternatif, ou simplement moins cher, d’un lien à la terre ou de plus de tranquillité grâce au télétravail, les profils néoruraux sont multiples. Selon la géographe ruraliste Claire Delfosse, il faut également noter que « les trajectoires de vie ne sont pas fixes : on peut partir vivre en ville et en revenir, ou inversement ».

Une meilleure qualité de vie ?

Un critère domine les autres lorsqu’il s’agit de s’installer en milieu rural : la qualité de vie. Encore faut-il savoir ce que l’on entend par là. Ainsi, Léonor, professeure de chant au Conservatoire de Nantes, a choisi de s’installer quelque vingt kilomètres plus loin au Loroux-Bottereau et ses 8000 habitants avant tout pour y trouver la maison de ses rêves. « Je suis toujours une amoureuse de Nantes, explique-t-elle. Mais après avoir pris goût au jardinage pendant le confinement, et pour avoir de la place pour moi, mes deux enfants, mon nouveau conjoint, et sans trop gêner le voisinage puisque nous sommes tous deux musiciens, et surtout à un prix abordable, nous avons vite réalisé que la maison parfaite ne pouvait se trouver qu’à la campagne. »

À l’inverse, pour Marjolaine, boulangère installée depuis 2010 dans le petit village de Cieutat (environ 600 habitants) dans les Hautes-Pyrénées, c’est le lien à la nature qui était central. « J’ai grandi dans des petites villes de Picardie et d’Aveyron, avant d’aller étudier à Montpellier. Mais je ne me sentais pas à ma place en ville. Il me manquait de l’extérieur. » Après plusieurs voyages, elle a fini par trouver son bonheur dans ces coteaux verdoyants. « En voyant la carte, j’ai vu qu’il n’y avait quasiment rien, donc c’était parfait ! », s’amuse-t-elle. Là encore, la présence d’un jardin était fondamentale. « C’est un facteur qui revient très souvent, souligne Claire Delfosse. Les annonces immobilières ne manquent jamais de le préciser. »

Des territoires inégaux

Pour avoir un jardin et de la place, dans un prix raisonnable, les deux nouvelles propriétaires n’avaient pas le choix, il fallait acheter une maison nécessitant beaucoup de travaux. « On en a pour des années, admet Léonor, il fallait prévoir un gros budget en plus de l’achat. Mais cela reste tout de même bien moins cher qu’en ville. » Mais probablement bien plus cher que l’ancienne ferme de Marjolaine dans les Pyrénées. On voit en effet de grandes différences selon les territoires, avec un littoral atlantique qui attire fortement. « On voit aussi se développer la location ou la colocation, même si c’est encore rare », observe Claire Delfosse. Outre le logement, l’accès aux services est un gros enjeu. Là encore, tous les territoires ne sont pas égaux. « On a été très agréablement surpris de ce que propose la commune de Le Loroux-Bottereau, raconte Léonor. Il y a un cinéma, une piscine, une médiathèque, tous les commerces, deux boulangeries, trois coiffeurs, une école et un collège… Même pour l’accès aux soins, il y a plusieurs cabinets de généralistes et de dentistes. Il n’y a que certains spécialistes qui ne se trouvent qu’à Nantes. »

Marjolaine, elle, se satisfait d’une vie plus isolée, et la petite ville de Bagnères-de-Bigorre (7000 habitants), située à moins de dix kilomètres de chez elle, fournit tous les services nécessaires. « On y trouve même des urgences, mais elles sont souvent saturées. Pour les spécialistes, c’est plus difficile. Je roule une heure en montage pour trouver une orthoptiste qui n’a pas trop d’attente. Mais les choses changent, j’ai vu arriver plusieurs jeunes médecins, des kinés ou des sages-femmes. »

Une mobilité difficile

La principale limite d’une vie à la campagne est évidente : impossible ou presque de se passer de voiture. « La réflexion sur ce sujet reste très récente, regrette Claire Delfosse. On a longtemps supposé que les ruraux étaient mobiles grâce à la voiture, et c’est dans cette population qu’on trouve le plus de voitures par ménage. Mais face au coût grandissant et à la transition écologique, il y a nécessité d’agir. La précarité énergétique, tant question logement que mobilité, en a poussé plus d’un à revenir vivre en ville. » Des solutions existent d’ailleurs pour aider les personnes précaires, comme les plateformes de mobilité ou le transport à la demande. « Le vélo électrique a également débloqué certaines situations. Mais il y a encore beaucoup à faire. »

Le sujet était important pour Léonor : « On voulait vraiment une maison dans le bourg, pour éviter au maximum la voiture. On ne la prend que pour aller travailler, et on a même réussi à n’avoir qu’une seule voiture pour le foyer, même si cela rend parfois l’organisation complexe. » Et les bouchons peuvent rendre le trajet bien long. De son côté, Marjolaine utilise également fréquemment la voiture, même si elle regarde de près les horaires de bus. « Il y en a peu, mais ils sont précieux. J’ai par exemple souvent pu éviter d’emmener mes enfants en voiture à leur cours de danse à Tarbes, la préfecture à 30 minutes de route. » Le réseau de cars départemental est également bien structuré à Nantes, « mais au Conservatoire, les cours finissent souvent tard, après le dernier départ. À y réfléchir, peut-être qu’on aurait préféré vivre près d’une gare ».

Une vie culturelle développée - si on sait la chercher

Un cliché tenace sur les campagnes voudrait qu’il ne s’y passe rien. Pourtant, comme le constate Claire Delfosse, « les espaces ruraux ne sont pas des déserts culturels, loin de là, il y a beaucoup d’initiatives, avec de grandes différences selon les territoires ». Ainsi, Marjolaine trouve son bonheur dans le territoire pourtant peu dense des Pyrénées. « Quand je suis arrivée, il y avait déjà quelques associations qui organisaient régulièrement des spectacles. Et l’offre n’a fait que grandir depuis. Pas besoin d’aller très loin, par exemple le cinéma de Bagnères-de-Bigorre propose quelques séances Art et Essai. Bien sûr, ce n’est pas comme en ville, où tu peux sortir et décider ensuite ce que tu peux faire. Ici, il faut saisir les occasions. Mais ces occasions ne manquent pas. »

La vie associative est également un facteur de dynamisation important, et permet par ailleurs de s’intégrer en tant que nouvel arrivant. Car l’accueil n’est pas forcément si facile, comme l’a constaté Marjolaine. « Quand je suis arrivée avec l’envie d’avoir un mode de vie écolo, ça n’était pas forcément bien vu, même si les mentalités évoluent. Ce qui a vraiment aidé à faire du lien, c’est lorsque mes enfants sont entrés à l’école, j’ai pu rencontrer d’autres parents d’élèves. » Une chance que n’a pas eue Léonor : « Mes deux fils sont encore scolarisés à Nantes, puisque leur père y vit. Et avec mes horaires décalés, je n’ai pas eu l’occasion de vraiment m’intégrer. » Pour Claire Delfosse, il est évident que « l’intégration va dépendre de nombreux facteurs, des deux côtés de la barrière. En milieu rural, on s’imagine également qu’il y a plus de proximité et de solidarité, ce qui est discutable ». Une manière de rappeler que faire attention aux clichés est l’affaire de tous.

Nous avons aussi séléctionné pour vous

Thématiques associées : Habitat

Article suivant
The website encountered an unexpected error. Please try again later.