Les vans gynéco au service de la santé des femmes

Désespérée de voir les déserts médicaux s’étendre, la sage-femme Laure Fabre a eu l’idée d’un camion sillonnant les routes provençales. Elle n’est pas la seule. Depuis 2022, ces dispositifs ne cessent de se multiplier : un van de dépistage, un van pour le suivi de grossesse… Si chacun défend une spécificité, tous ont un point commun : ils viennent à leurs patientes, et non l’inverse.

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Rédaction SoPress

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4 septembre 2023. Ce matin, sur le parking faisant face à l’église de Royville – petite commune de 300 habitants en Seine-Maritime –, un étrange camion rose de 13 mètres de long y est garé. Il s’agit du Mammobile : un centre de dépistage du cancer du sein itinérant. Sur la devanture, on peut lire : « On a toutes à y gagner. » N’oublions pas que détecté tôt, le cancer du sein guérit dans 9 cas sur 10, d’où l’importance du dépistage.

Le van rose n’en est d’ailleurs pas à sa première tournée de prévention. Après avoir sillonné l’Eure, le Calvados et la Manche, c’est désormais dans les communes de Seine-Maritime les plus éloignées des centres de radiologie (au moins 15 minutes en voiture) qu’il s’est installé, proposant un dépistage gratuit aux femmes de 50 à 74 ans. Ce projet est mené depuis mars 2022 par l’unité Anticipe du centre de cancérologie François-Baclesse de Caen et le Centre régional de coordination des dépistages des cancers de Normandie. « Dès l’instant où les femmes s’éloignent des centres de radiologie, la participation est moins importante, c’est un frein connu. On essaie de démontrer la plus-value d’un Mammobile qui vient au plus près des femmes », expliquait à France Bleu en avril dernier, Marie-Christine Quertier, médecin directeur du CRCDC en Normandie.

Et bien que passer une mammographie dans un camion est loin d’être orthodoxe, l’intérieur du cabinet est on ne peut plus traditionnel. « Quand les femmes arrivent, elles sont accueillies par la secrétaire, ajoute la médecin. Elles voient ensuite la manipulatrice qui va réaliser l’examen, puis le médecin qui fait la palpation, interprète la radio et fait une échographie si besoin. »

Isolement et état de santé plus dégradé

Direction la région Auvergne, où un autre camion baptisé Opti’soins vient en aide aux femmes isolées, mais pas n’importe lesquelles : les femmes enceintes. « Le projet de départ est né sur une cartographie de l’Auvergne, racontait Julie Duclos, sage-femme et échographiste, à la chaîne Brut. Il a été montré que sur ces quatre départements (l’Allier, le Cantal, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme, ndr), il y avait des zones qui étaient des déserts médicaux […], des communes et donc des patientes qui étaient potentiellement à plus de 30 minutes de tout professionnel médical susceptible de suivre leur grossesse. »

Au-delà du fait d’être isolées géographiquement, la cheffe du projet Isabelle Raimbault déplore chez ses patientes un état de santé « un peu plus dégradé que dans la population générale ». « [Elles] ont un suivi gynécologique qui est beaucoup plus décousu que dans les populations urbaines, et ce n’est pas par choix, ce n’est pas par manque d’intérêt, c’est vraiment parce qu’elles n’en trouvent pas. »

« On ne va pas faire consulter les femmes dans un camion ! »

Si les deux premiers camions proposent des services de santé spécifiques (dépistage, suivi de grossesse), il y en a un qui, depuis 2022, regroupe l’ensemble des soins gynécologiques et sillonne les routes de la Provence verte et du Verdon. Son nom : le « Gynécobus ». Imaginé en 2018 par Laure Fabre, sage-femme exerçant à Rians, ce dispositif est adossé à l’hôpital de Brignoles, sa base technique et administrative. Mais impossible de concrétiser cette belle idée sans financements – via l’État, la Région, l’Europe, les agglomérations ou encore l’Agence régionale de santé – ou sans véhicule (estimé à 100 000 euros). Une fois les communes ciblées (42 lieux d’intervention) et l’équipe montée (24 gynécologues, 20 sages-femmes), il faut cette fois s’attaquer aux idées reçues.

« Au départ, les gens étaient circonspects, se souvient Laure Fabre. On me disait souvent : “On ne va tout de même pas consulter les femmes dans un camion !” Ce qui était compliqué, c’est qu’on innovait sur le fond et la forme. Sur la forme, en proposant un dispositif mobile – encore que, la mobilité était quelque chose qui existait déjà dans les communes reculées – et sur le fond, parce qu’on proposait d’agir en binôme. »

Selon elle, avoir systématiquement une sage-femme et un gynécologue permet d’emblée un avis spécialisé et donc une prise en charge accélérée. Autre avantage : « Ce binôme aux sensibilités différentes donne un surplus d’humanité et ouvre le dialogue. Pour les patientes, c’est rassurant. En fonction des antécédents d’une patiente, de son âge, de son mode de vie, on va être en mesure de proposer une prise en charge adaptée, qui a du sens pour elle. Cela rend les choses plus intimes, on a presque une conversation à cœur ouvert, ce qui est plus difficile lors d’une consultation standardisée. »

Redonner du sens aux examens gynécologiques

Cela semble assez clair : le Gynécobus replace la patiente au centre et tente d’abolir les freins à la consultation. Qu’ils soient financiers (les soins sont pris en charge de la même manière qu’à l’hôpital, sans dépassement d’honoraires) ou plus personnels : « Pour beaucoup de femmes, être obligées de se déshabiller et de donner accès à la fois à la partie haute et basse du corps pose problème. C’est pour cela que tout ce que l’on fait est relié à de l’éducation à la santé, rappelle Laure Fabre. Lorsqu’on fait un frottis, on explique pourquoi on le fait, quelle est la nature de cet examen, quand est-ce qu’il faudra le refaire, qu’est-ce qu’il faut attendre comme résultats… Bref, on redonne du sens à ces examens. »

Visiblement, cela fonctionne : aujourd’hui, 240 patientes sont vues chaque mois et l’agenda des rendez-vous – pris soit par le secrétariat gynécologique de l’hôpital de Brignoles, soit par Doctolib – ne désemplit pas. Mettant les créneaux en ligne tous les mois, il faut donc compter au maximum 30 jours d’attente. Rien à voir avec les 4 à 6 mois d’attente de l’hôpital ou du secteur libéral…

Mais alors, la gynécologie serait-elle amenée à devenir une médecine itinérante ? À cette question, Laure Fabre partage un avis bien tranché : « Le Gynécobus ne peut être qu’un outil dans un système de santé. Ces vans sont des outils intéressants pour dépasser certains freins, mais qui ont aussi leur limite. À mon sens, ça ne peut pas être une solution à part entière. » Pour autant, la sage-femme n’est pas contre l’idée d’étendre le dispositif.

À condition de considérer le projet dans sa globalité : « Le Gynécobus, ce n’est pas juste “acheter un van et mettre des gens dedans”. Si on arrive à recruter autant de monde aujourd’hui, c’est parce que nous avons redonné du sens et de la valeur à notre secteur. On ne s’oppose pas aux uns et aux autres, on est là pour prouver qu’on peut tous travailler ensemble et que chacun a sa place. »

Où trouver un van gynéco ?

  • Les différents points d’étape du Mammobile sont à retrouver dans ce lien.
  • Pour savoir si votre commune est concernée par Opti’soins et prendre rendez-vous, écrivez à l’adresse e-mail optisoins@chu-clermontferrand.fr ou téléphonez au 07 73 75 01 0704 73 75 01 07.
  • Pour prendre rendez-vous avec le Gynécobus, contactez le 07 85 94 42 04 ou rendez-vous sur Doctolib.
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