10 questions stupides à ne pas poser aux personnes en situation de handicap

Mathilde Cabanis est conférencière et formatrice sur la thématique du handicap au travail. Cette mère de famille de 34 ans est elle-même hémiplégique depuis un AVC dont elle a été victime lors d’une mission humanitaire au Népal. Et, comme pour la plupart des personnes en situation de handicap, on lui pose parfois des questions étranges. Qu’il s’agisse de maladresses ou de curiosité mal placée, elle nous explique pourquoi elles sont gênantes.

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Rédaction SoPress

Avec SoPress, la Macif a pour ambition de raconter le quotidien sans filtre.

Que t’est-il arrivé ?

Mathilde Cabanis : Il arrive que des gens que je ne connais pas m’interrogent sur l’origine de mon handicap. Comme si, à chaque fois que je rencontrais une nouvelle personne, j’étais censée lui raconter ma vie et, même, le pire moment de ma vie ! Il y a même des gens qui m’interpellent pour me demander si je me suis blessée ou pour me souhaiter bon courage. À la fois, c’est bienveillant, mais c’est aussi de la curiosité malsaine. De même que ce n’est pas aux inconnus de demander aux personnes en fauteuil roulant pourquoi elles sont en fauteuil roulant. C’est à elles de décider si elles se sentent suffisamment à l’aise pour en parler. Honnêtement, ça ne me viendrait pas à l’idée de demander à une personne malvoyante dans la rue pourquoi elle est malvoyante. Et pourtant, beaucoup de gens le font avec les personnes en fauteuil ! En revanche, je peux comprendre que quelqu’un qu’on côtoie tous les jours, comme un collègue, ait envie de poser cette question. Mais c’est différent, car un lien est établi.

As-tu déjà pensé à te suicider ?

M.C. : Une amie m’a confié que s’il lui était arrivé la même chose qu’à moi, elle se serait suicidée. Mais nos vies méritent évidemment d’être vécues, malgré le handicap ! Bien sûr, c’est un gros chamboulement et il y a un gros travail d’adaptation à faire quand on se retrouve brutalement en situation de handicap, mais ça ne veut pas dire que notre vie est finie ! Cela n’empêche pas d’avoir des rêves, des ambitions, des envies de voyages et de construire des projets. Et de toute façon, la vie n’est un long fleuve tranquille pour personne, avec ou sans handicap.

Tu ne peux avoir de vie sexuelle, du coup ?

M.C. : En soirée, quand les gens ont un peu bu, les langues se délient et on m’a déjà demandé comment je faisais pour avoir des rapports sexuels. Mais je suis comme tout le monde, les personnes handicapées ont aussi une vie intime, évidemment ! Je suis très à l’aise avec le sujet et je réponds simplement que ma vie sexuelle va très bien.

Comment vas-tu faire pour accoucher ?

M.C. : J’ai deux enfants et j’en attends un troisième. Et on m’a demandé si je pourrais accoucher « normalement », ce qui ne veut pas dire grand-chose. D’ailleurs, j’ai accouché par voie basse, alors que beaucoup de femmes accouchent par césarienne. Et tout s’est très bien passé. On me demande si j’ai eu mes enfants avant ou après être devenue handicapée. Si je ne suis pas de bonne humeur, je réponds juste que ça ne les regarde pas, et je passe à autre chose.

Tu penses que tu seras capable de t’occuper de tes enfants ?

M.C. : Certaines femmes en situation de handicap ont déjà été signalées aux services sociaux, car on voulait s’assurer qu’elles s’occupaient bien de leurs enfants, que les enfants n’étaient pas en danger.

Tu n’as pas peur que tes enfants aient honte de toi plus tard ?

M.C. : Certaines n’hésitent pas à me demander carrément si je ne crains pas que mes enfants aient honte de mon handicap ! Beaucoup de gens sont sans filtre, mais il ne faut pas leur en tenir rigueur. D’ailleurs, je me fiche que les gens me regardent dans la rue ou sur la plage.

Tu es sûre que ça va aller ?

M.C. : Les gens ont tendance à infantiliser les personnes handicapées, à vouloir penser à leur place. Par exemple, dans le travail, il arrive que les équipes organisent un déplacement professionnel sans laisser la personne en situation de handicap se positionner pour ne pas la fatiguer. C’est penser à la place de l’autre, finalement. Et c’est insupportable ! Je suis une adulte, j’ai fait des études, je gère ma famille et je suis autonome.

Tu penses vraiment pouvoir le faire ?

M.C. : En entreprise, on part du principe qu’une personne handicapée n’est pas capable d’accomplir certaines tâches. Donc on les réalise à sa place, sans même lui demander si elle peut le faire, en pensant que ça ira plus vite comme ça. De même qu’il arrive que dans les restaurants, souvent, lorsqu’il y a une personne handicapée, le personnel ne s’adresse pas directement à elle et demande aux personnes qui l’accompagnent quelle est la commande. C’est arrivé à une de mes amies en fauteuil.

Tu n’as pas peur d’être trop fatiguée ?

M.C. : J’ai fait mon AVC en école de commerce et mes copines me demandaient sans arrêt si j’allais bien, si je n’étais pas trop fatiguée. Elles me maternaient beaucoup. Or, je savais très bien gérer ma fatigue et, quand ça n’allait plus, je rentrais simplement me coucher. Et mes amis avaient du mal à comprendre que j’étais en mesure de faire mes propres choix.

Tu es sûre que tu ne veux pas prendre un petit verre ?

M.C. : L’alcool risquant de retarder ma rééducation après mes trois opérations du cerveau, je l’avais banni de ma vie à l’époque. Je buvais peu avant et depuis, je ne bois plus du tout. Mais en soirée, les gens continuent d’insister pour que je prenne un petit verre. Or, ne pas boire d’alcool ne m’empêche ni d’être drôle ni de faire la fête. Je n’aime pas perdre le contrôle. Et c’est encore plus vrai depuis que j’ai des problèmes d’équilibre, car je risque de me blesser. Et je n’ai qu’une seule main qui fonctionne, je vis donc avec la crainte de me blesser à l’autre.

Handicap : les solutions adaptées et accessibles proposées par la Macif

Au travers de son programme Macif Egalis, la Macif accompagne depuis 20 ans ses sociétaires en situation de handicap ainsi que leur famille, grâce à des solutions d’assurance et des moyens de communication adaptés à leur situation.

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