Handicap et emploi : état des lieux en France

Clôturés le 8 septembre dernier, les Jeux paralympiques ont donné l’image d’une France inclusive. En revanche, en dehors de la belle vitrine du sport, et notamment dans le monde du travail, tout n’est pas si simple pour les personnes en situation de handicap.

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Rédaction SoPress

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D’après l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) dans son rapport, publié en juillet 2023, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est à son plus bas niveau depuis 2018, soit de 12 %. Malheureusement, il reste 1,7 fois plus important que la moyenne nationale (7 %, donc près du double). Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap reste, selon l’Insee, bien inférieur à celui des personnes valides (50 % contre 70 %). Le taux d’emploi direct (soit le rapport entre le nombre de bénéficiaires employés directement et l’effectif global de l’entreprise) est encore moins glorieux puisqu’il stagne à 3,5 % dans les entreprises privées et publiques, loin des 6 % souhaité par la loi de 1987. « Historiquement, le handicap a longtemps été perçu comme incompatible avec l’exercice d’un emploi rémunéré, écrit Anne Revillard, professeure associée en sociologie à Sciences Po et directrice du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP), dans un article diffusé par Le Monde en novembre 2023. Cette perception a évolué. Néanmoins, les personnes handicapées rencontrent toujours des obstacles pour accéder à l’emploi, s’y maintenir et y progresser. »

Des discriminations bien ancrées

Le Défenseur des Droits est catégorique. En France, le handicap reste le premier motif de discrimination. Parmi les nombreux freins à l’embauche et à l’inclusion des salarié·es handicapé·es, il y a les politiques dites de « non-recrutement » des entreprises. « Nombre d’entre elles préfèrent inciter leurs salarié·es à déclarer un handicap, parfois provoqué par de mauvaises conditions de travail, plutôt que d’embaucher des personnes en situation de handicap, souligne la CGT. Cela leur permet d’atteindre le taux réglementaire des 6 % sans effort particulier en termes de recrutement et de se conformer à la réglementation (et donc de s’exonérer des contributions financières). » Malheureusement, c’est loin d’être le seul problème.

L’efficacité des politiques d’emploi des personnes handicapées « dépend de celle d’autres volets des politiques du handicap comme l’accessibilité de l’espace public et des transports ainsi que des logements », estime Anne Revillard, dans un article publié sur The Conservation, en septembre dernier. « La réussite des étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur est aussi un facteur sensible, poursuit la professeure. L’enseignement supérieur est en effet le parent pauvre des politiques d’inclusion éducative. » Bilan : moins diplômée, la population handicapée occupe plus souvent des postes moins qualifiés, moins prestigieux et moins rémunérateurs.

Le Café Joyeux renverse la vapeur

Après le ciel gris – pour ne pas dire « tableau noir » – viennent les éclaircies : depuis quelques années, des entreprises s’engagent plus ou moins activement en faveur du handicap. Lors de la soirée des dirigeants engagés, organisée par « Manifeste Inclusion » le 11 octobre 2023, quatre lauréats ont été récompensés pour leurs initiatives inclusives. Notamment le groupe La Poste, qui a su se démarquer en proposant à ses 14 000 postiers en situation de handicap de tester ses services et produits, pour les améliorer et être certains qu’ils soient accessibles.

Mais le Trophée de l’entreprise inclusive revient incontestablement au phénomène Café Joyeux, chaîne de cafés-restaurants qui, depuis 2017, emploie et forme des personnes en situation de handicap mental et cognitif. Sa croissance est telle que l’entreprise a préféré ces derniers mois « limiter les prises de parole (dans les médias, ndr) afin de [se] concentrer sur la consolidation de [ses] activités et le bien-être de [ses] équipes ». Une prévenance revendiquée par le fondateur de la société, Yann Bucaille-Lanrezac. « Le monde de l’entreprise doit se saisir de la question du handicap, affirmait-il en novembre 2023 à Challenges. En France, seulement 0,5 % des 750 000 personnes en situation de handicap mental travaillent en entreprise. Elles ont trop longtemps été mises à l’écart. Avec nos cafés, nous voulons rendre le handicap visible. C’est pourquoi nous embauchons 270 salarié·es, dont 154 équipiers en CDI qui sont en situation de handicap mental et cognitif. Ils travaillent en cuisine, en salle et au comptoir. »

Après Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Paris, Rennes, Tours, Bruxelles et New York, c’est à Angers que Café Joyeux s’est dernièrement implanté. Et c’est en grande pompe que l’établissement a célébré son inauguration, le 13 juin dernier, accueillant au numéro 36 du boulevard Foch, Arnaud, acteur du film à succès Un p’tit truc en plus.

Pour un label « inclusion professionnelle »

Mais il n’y a pas que le monde du café qui s’engage. Celui du notariat, aussi. Comme en témoigne l’engagement du cabinet Fortier Associés qui, depuis bientôt quatre ans, compte parmi ses collaborateurs Maxence. À 33 ans, ce jeune homme porteur de trisomie 21 est en CDI – à 60 % d’heure de travail – et occupe un poste d’assistant. « Après la naissance de mon troisième enfant, porteur du même handicap, j’ai naturellement été sensibilisé à cette question, et plus particulièrement à celle de l’inclusion », confie Frédéric Fortier. Grâce à l’association « Access 75 », ce père de famille et chef d’entreprise a pu façonner un poste sur mesure : « Maxence effectue principalement des missions de classement, de rangement, d’archivage, d’aménagement des salles de signature avant les rendez-vous, mais depuis quelques mois, il fait aussi de l’accueil client, se réjouit-il. Il va aussi, à mes côtés, préparer des lettres recommandées, faire le courrier, ou encore, aller une fois par semaine chercher des fruits pour le reste de l’équipe. »

Différentes tâches que l’ensemble du cabinet a désormais baptisées « les missions de Maxence ». Selon Frédéric Fortier, ce ne sont pas les aides ou subventions de l’État qui convaincront les chefs d’entreprise d’envisager une embauche inclusive : « Ça doit s’inscrire dans une véritable démarche d’entreprise, au même titre que les labels RSE environnementaux, poursuit-il. Je milite au sein de mon corps de profession pour qu’il y existe un label destiné aux entreprises qui font de l’inclusion professionnelle. Mettre en valeur ces entreprises peut convaincre d’autres dirigeants de franchir le pas. »

Macif Accessible

La Macif est engagée depuis plus de 15 ans aux cotés des personnes en situation de handicap ou âgées en perte d’autonomie.

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