Pourquoi l’attention et la concentration sont importantes, et comment les cultiver ?

Parmi toutes les fonctions mentales, l’attention est omniprésente. À tous les âges, en toutes circonstances, vous mobilisez votre attention pour naviguer dans vos activités quotidiennes. Comment fonctionne-t-elle ? Peut-on apprendre à être plus attentif, plus concentré ?

Temps de lecture : 12 min

1 L’attention, qu’est-ce que c'est ? Pourquoi est-ce important ?

En 1890, le psychologue et philosophe William James (1), l’un des pères de la psychologie moderne, propose une définition de l’attention dans son ouvrage The Principles of Psychology. Elle fait toujours référence car elle contient déjà les mécanismes fondamentaux de l’attention, aujourd’hui scientifiquement expliqués :

« L’attention est la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui sont présents simultanément. […] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres. »

Cette définition de l’attention montre bien les trois phénomènes de l’attention : d’abord la prise de conscience, ensuite la capacité à sélectionner ce qui est important ou pas, et enfin la faculté de se concentrer et de travailler sur ce qu’on doit retenir. Apprendre à contrôler son attention est donc déterminant dans presque tous les domaines, puisque c’est ce qui va permettre de suivre le fil d’une conversation, d’apprendre une nouvelle langue, de trouver son chemin, de freiner brusquement en voyant surgir un piéton devant une histoire, etc.

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Les mécanismes de l'attention

Qu’est-ce que « faire attention » ? Est-ce juste être attentif, être vigilant, être concentré ? Les trois, mon capitaine ! Comme la définition de James, Lionel Naccache, neurologue, pointe que ces expressions montrent les différentes facettes de l’attention et les trois mécanismes majeurs qui la composent :

« Les neurosciences ont montré que l’attention n’active pas une zone unique du cerveau, mais au contraire qu’elle mobilise différentes zones selon le type d’attention qu’on utilise. Car l’attention n’est pas monolithique : elle recouvre en fait des processus différents, répondant chacun à des situations et des besoins précis, et faisant chacun appel à des régions différentes du cerveau. Connaître ces mécanismes permet de comprendre une facette essentielle de la psychologie, mais aussi, dans notre quotidien, de mieux utiliser notre attention. »

C’est le psychologue Michael Posner (2) qui a modélisé les trois types de réseaux cérébraux de l’attention, une distinction encore très largement utilisée aujourd’hui.

L’attention d’alerte

La première fonction mentale de l’attention est l’attention d’alerte. Le réseau attentionnel d’alerte augmente de façon globale notre niveau d’éveil et de vigilance. Il permet de prendre en compte toute information surgissant dans l’environnement : un danger imminent, une sonnerie de téléphone, quelqu’un qui vous appelle par votre nom, etc. Même plongé dans une lecture passionnante, l’attention d’alerte vous permet d’adapter votre niveau de vigilance de manière inconsciente pour réagir face à une situation émergente. Née dans le tronc cérébral, cette forme de l’attention est ensuite relayée à l’ensemble du cortex pour élever notre niveau d’éveil.

L’orientation de l’attention

Deuxième fonction cérébrale, l’orientation de l’attention. Votre esprit ne peut pas tout voir en même temps, traiter toutes les informations issues de l’environnement en même temps. Nous devons donc, à chaque instant, faire le tri de ce qui est « intéressant » ou pas : un visage connu dans la foule, une couleur ou une forme dissonante (on repère tout de suite et sans réfléchir une pomme rouge dans un panier d’oranges), etc. C’est cette fonction réflexe qui nous permet de repérer rapidement, de manière quasi automatique, les éléments saillants dans l’environnement. Un mécanisme d’adaptation fort utile par exemple pour détecter un mouvement suspect qui trahit la présence d’un prédateur ou la délicieuse pomme rouge dissimulée dans un feuillage.

Le contrôle exécutif

Troisième et dernière fonction mentale de l’attention : le contrôle exécutif. C’est la capacité à diriger volontairement son attention sur tel ou tel objet et à se concentrer dessus. Cette volonté de se concentrer sur un objet ou une action précise inhibe tout le reste : on est absorbé dans ce qu’on fait.

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3 Le mythe du multitasking

Comprendre et admettre cette limite de l’attention a des conséquences directes sur le quotidien : le fameux « multitasking » (le fait d’être multitâches), si prisé en entreprise et dans nos quotidiens hyperactifs, est illusoire.

« Si vous pouvez en effet marcher tout en mangeant un croissant, c’est parce que ces tâches sont élémentaires et automatisables, et qu’elles ne requièrent donc qu’une part extrêmement faible d’attention », commente Lionel Naccache.

Mais essayez de jouer du piano en discutant philosophie avec un ami, cela se complique. En fait, vous pourrez peut-être le faire en utilisant ce qu’on appelle l’attention fragmentée : le cerveau effectue des allers-retours très rapides d’une tâche à l’autre.

« On a l’illusion de faire deux choses en même temps, mais, d’un point de vue neurologique, ce n’est pas vrai : les deux tâches sont exécutées en alternance et non pas simultanément, poursuit-il. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas conduire en téléphonant ! »

Ces deux taches réclament chacune une attention soutenue qui n’est pas gérable en simultané par le cerveau. Or une fraction de seconde suffit pour subir ou provoquer un accident…

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C’est le nombre de fois que les Français consultent leur téléphone chaque jour en moyenne. Chez les ados, c’est 50 fois par jour… (3)

4 La distraction, mal du XXI siècle ?

Pourquoi est-on facilement distrait, parfois même en accomplissant une tâche qu’on aime ? La faute au fameux « circuit de la récompense », qui gouverne les choix de chacun si on n’y prête pas attention justement. Quand on aime lire et qu’on a un bon livre, on va se plonger dedans sans difficulté. Mais si on sait qu’il y a un paquet de bonbons dans le placard, le cerveau va faire la balance entre le plaisir de lire et le plaisir d’un bonbon. Et souvent, le bonbon l’emporte ! Même si vous résistez à l’envie d’aller en chercher un, la pensée du bonbon vient parasiter la lecture… et vous voilà distrait.

Mais alors, est-ce impossible de rester concentré plus de quelques minutes ? La réponse est très variable : elle dépend des capacités de chacun, mais aussi de l’intensité et de la continuité de l’attention demandée. Plus elle est soutenue, plus on dépense d’énergie et moins on tient longtemps. Ça dépend aussi, évidemment, de l’intérêt qu’on porte à ce qu’on fait : typiquement, un enfant aura beaucoup de mal à se concentrer plus de dix minutes sur un exercice de mathématiques, mais peut être totalement absorbé pendant deux heures par un film qui lui plaît !

« Heureusement, une attention relâchée, dite “flottante”, n’empêche pas forcément de capter l’essentiel. Vous pouvez assister à une réunion et consulter vos SMS en même temps sans forcément rater les informations importantes, nuance Jean-Philippe Lachaux, neurobiologiste. Inconsciemment, vous savez quand revenir à la réunion et refocaliser votre attention : parce que vous captez un mot qui correspond au sujet qui vous intéresse, parce que vous reconnaissez votre prénom ou le ton d’une question qui vous est adressée, etc. Le phénomène de “congruence sémantique” aide aussi à intégrer la continuité d’une conversation sans forcément prêter attention à chaque mot : le contexte et des bribes de phrases suffisent le plus souvent à reconstituer une histoire dans son ensemble. »

3 à 5 %

des enfants en âge scolaire sont concernés par le TDAH (Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité). (4)

5 L’attention et les « sirènes » du numérique

Contrairement à ce qu’on entend souvent, les nouvelles technologies ne modifient pas le cerveau. Comme le rappelle Elena Pasquinelli, chercheuse en sciences cognitives et philosophe, c’est le contraire :

« Elles jouent sur des mécanismes très anciens et très stables, dont elles savent parfaitement tirer parti pour capter l’attention de façon toujours plus efficace. »

Vous vous souvenez du livre et du bonbon ? C’est idem quand on reçoit une notification sur son téléphone portable : le plaisir de satisfaire notre curiosité est très puissant et suffit souvent à vous distraire d’une conversation, d’un film, ou d’un travail important.

« Les smartphones, ordinateurs et tablettes vous mettent ainsi dans une position de concurrence attentionnelle quasi permanente qui vous oblige à faire des choix », précise Helena Pasquinelli.

Répondre à cet appel ou conduire ? Lire ce SMS ou poursuivre la conversation avec son amie ? Regarder des Lolcats sur les réseaux sociaux ou finir La Princesse de Clèves ? Si vous ne lui imposez pas votre volonté rationnelle, votre cerveau fait ses choix en fonction du circuit de la récompense. Or, les algorithmes façonnent les contenus reçus sur les smartphones en fonction de vos préférences, et bien sûr, ces appareils vous relient aussi à vos amis et votre famille. La « récompense » est donc très grande lorsque vous cédez à la tentation d’y jeter un œil ! D’où une rivalité parfois pénible entre le monde physique et l’appel d’un monde numérique taillé sur mesure pour vous satisfaire. Là encore, comprendre les rouages de l’attention peut vous aider à déjouer certains « pièges » numériques.

6 7 pistes pour muscler son attention et sa concentration

Un certain nombre de facteurs « physiques » nuisent à la qualité de l’attention : le manque de sommeil, l’anxiété et la dépression ou certains syndromes comme le TDAH (Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité), les psychotropes, etc. En dehors de ça, il est tout à fait possible de travailler son attention. Il est très important d’éduquer les enfants (et les parents !) sur le sujet, parce qu’énormément de choses dépendent de la qualité de son attention : la réussite scolaire, la sécurité (en tant que piéton ou conducteur par exemple), l’apprentissage d’une langue ou d’un sport, les activités culturelles… Voici 7 bonnes pratiques pour vous aider à booster votre attention.

S’observer soi-même

Être capable d’analyser ses propres comportements, de repérer les moments où l’on se laisse distraire permet de désamorcer les situations « à risque » : si vous devez terminer un rapport pour demain matin, mieux vaut éteindre votre portable et travailler loin de la télé pour éviter les tentations et les sollicitations. On peut aussi apprendre à un enfant qu’il peut résister à la tentation de répondre à un copain qui veut bavarder en classe : en expliquant comment fonctionne le circuit de la récompense, on lui enseigne que cette tentation est normale, mais que ce n’est pas elle qui doit décider !

Déjouer l’illusion du multitasking

Non, le cerveau ne peut pas se concentrer efficacement sur deux tâches complexes en même temps. Inutile donc d’essayer de boucler votre déclaration d’impôts tout en faisant réviser le théorème de Thalès à votre aîné : vous courrez à l’échec. En avoir conscience et éviter ce type de comportement inefficace est déjà une grande victoire !

Diviser une tâche complexe en tâches élémentaires

C’est très efficace pour les enfants, mais pas seulement ! Par exemple, si vous devez relire un texte, il est très difficile de prêter attention au style et à l’orthographe en même temps. Plutôt que de s’épuiser à essayer de tout faire d’un seul coup, mieux vaut commencer par une relecture pour l’orthographe, quitte à commencer par la fin pour ne pas se laisser distraire par le sens. Et enchaîner ensuite sur une seconde relecture pour le style. Idem pour un problème de mathématiques : il peut se décomposer en petites opérations demandant chacune un temps de concentration court.

Travailler sa posture

Mobiliser son attention, c’est aussi mobiliser son corps ! On travaille plus efficacement assis à un bureau qu’avachi sur un canapé, parce que cette position relâchée appelle le relâchement de l’attention. Là aussi, il est très important d’apprendre aux enfants à bien positionner leur corps, de façon tonique et équilibrée, pour favoriser le maintien de l’attention.

Automatiser

De nombreuses tâches, même complexes en apparence, peuvent être automatisées. Par exemple, taper un texte au clavier : pour un débutant, c’est fastidieux et cela demande une attention extrêmement soutenue. Mais pour quelqu’un qui fait ça tous les jours, l’effort est quasi nul et se fait les yeux fermés ! Cette automatisation du geste permet paradoxalement de libérer l’attention et de faire ainsi la place à la créativité et à l’imagination.

Éloigner les sources de distraction

Protégez votre attention en créant une « bulle ». Si vous avez besoin de vous concentrer, rangez votre mobile dans un tiroir, tout simplement ! Vous pouvez aussi instaurer des règles à la maison pour la famille : pas de mobiles à table, pas d’appareils électroniques la nuit dans les chambres, etc. C’est plus efficace que d’essayer de se retenir de consulter ses SMS quand le téléphone « bipe » juste à portée de main.

Retrouver le plaisir de l’attention

Créez des habitudes mobilisant une attention gratifiante, comme observer les oiseaux, lire un bon roman, cuisiner, faire un puzzle, tricoter, écrire une histoire… Autant d’activités qui peuvent sembler désuètes, surtout chez les plus jeunes, mais qui sont une manière simple, efficace et agréable d’exercer son attention.

Podcast : Les clés de l’attention et de la concentration

Écoutez ou téléchargez le podcast de la conférence Macif/France Inter « Les clés de l’attention et de la concentration », animée par le neurologue Lionel Naccache et le journaliste Mathieu Vidard.

L'Essentiel de l'article
  • L’attention est essentielle pour les activités quotidiennes comme pour les apprentissages.
  • Elle se décompose en trois mécanismes : alerte, orientation, contrôle exécutif.
  • L’attention est facilement détournée par des stimuli externes ou internes.
  • Il est possible d’exercer son attention.

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