Cyberharcèlement : vers quelles structures se tourner ?

À l’ère du tout numérique, il n’est pas toujours évident pour les parents de savoir à quoi ressemblent les relations que son enfant entretient en ligne. Voici quelques conseils pour éviter de le laisser seul face à une situation de harcèlement.

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Depuis la rentrée scolaire 2023, le programme pHARe, qui lutte contre le harcèlement à l’école, a été étendu à tous les lycées. Le tabou du harcèlement et de son prolongement cyber vacille et c’est tant mieux : il est urgent que tous les acteurs impliqués dans l’éducation se saisissent du problème. Quelques chiffres permettent de comprendre l’ampleur du phénomène. 20 % des enfants et adolescents de 8 à 18 ans déclarent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement(1). Un chiffre qui grimpe à 60 % pour les 18-25 ans.(2)

Le cyberharcèlement, c'est quoi ?

Défini par le Ministère de l’Éducation nationale comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule », le cyberharcèlement n’est pas sans conséquence sur la santé mentale des victimes. 69 % d’entre elles déclarent ainsi avoir été sujettes à des insomnies, des troubles de l’appétit et du désespoir, et 49 % disent avoir déjà pensé au suicide.

Messageries instantanées, jeux en ligne, réseaux sociaux… les canaux d’échanges de contenus harcelants sont aussi nombreux que la forme que ces derniers peuvent prendre. L’association e-Enfance en a recensé sept, parmi lesquels la diffusion de rumeurs, la publication de photos ou vidéos intimes, embarrassantes ou humiliantes pour la victime, ou encore la création d’un sujet de discussion sur un réseau social à l’encontre d’une personne. Ces pratiques constituent un délit dont l’auteur, s’il est majeur, s’expose à des peines de deux à trois ans d’emprisonnement en fonction de l’âge de la victime.

Ne pas hésiter à bloquer ou signaler les comptes problématiques

Face à ces pratiques, bloquer et signaler les comptes de harceleurs est possible, voire fortement recommandé. Cela peut s’effectuer via PHAROS, une plateforme dédiée mise en place par le ministère de l’Intérieur, pour supprimer les comptes et contenus problématiques. Le site cybermalveillance.gouv.fr incite également à conserver les preuves liées au cyberharcèlement – en réalisant une capture d’écran –, à porter plainte et à signaler les contenus ou comportements illicites auprès des plateformes sur lesquelles ils sont présents afin de les faire supprimer. « Il faut responsabiliser les enfants sur le fonctionnement de l’écosystème numérique : si nous ne signalons pas à Facebook, TikTok ou Snapchat les contenus choquants et violents, ces plateformes ne prendront pas l’initiative de s’améliorer », conclut Yasmine Buono, fondatrice de l’association de lutte contre le harcèlement scolaire Net Respect…

Illustration par Claire Korber

 

Ces associations qui luttent contre la cyberviolence…

Des associations et plateformes existent et disposent aussi de cellules d’écoute et de conseils aidant les victimes à sortir de leur isolement. « Il faut que les parents soient capables de dire à leur enfant que s’il est témoin ou victime de quelque chose mais qu’il ne souhaite pas leur en parler parce qu’il trouve cela gênant, il peut installer une application comme le 3018, où il pourra discuter avec des personnes formées pour répondre à ses questions », insiste la porte-parole d’e-Enfance, qui indique que le nombre d’appels reçus par le 3018 a doublé entre 2022 et 2023.

Mis en place l’association e-Enfance en 2022, le 3018 est un numéro national, gratuit et confidentiel, pour les jeunes victimes de violences numériques et leurs parents. Accessibles par téléphone 7 jours sur 7 jusqu’à 23 heures, via l’application ou via un tchat en direct, les 18 écoutants du 3018 ont reçu 21 269 entre janvier et août 2023, soit 38 % de plus que sur la même période en 2022. Déployé dans le cadre du programme européen Safer Internet, le 3018 a la particularité d’entretenir des partenariats avec 17 plateformes et réseaux sociaux, ce qui lui permet de signaler de façon prioritaire les contenus et comptes préjudiciables et d’obtenir leur suppression en quelques heures.

… et contre le cybersexisme

Liker, partager, commenter... Internet facilite l’amplification de la diffusion de contenus violents et participe ainsi à brouiller la frontière entre ce qui relève ou non du harcèlement. Comme le souligne Yasmine Buono, « la mécanique du cyberharcèlement est complexe » : « On sait qu’en moyenne il y a un harcelé pour trois harceleurs plus tous les témoins qui relaient l’information ; on ne doit pas ignorer que son enfant peut être harcelé et devenir lui-même un cyber harceleur par vengeance ou effet de groupe. »

D’après une enquête menée en 2013 par le ministère de l’Education nationale, les filles sont plus touchées que les garçons par les cyberviolences (21 % contre 15 %). Le centre Hubertine Auclert a mis en évidence « les rouages sexistes » de ces cyberviolences. Selon une de ses études publiée en 2016, les filles sont ainsi plus exposées que les garçons aux moqueries et insultes en ligne sur leur apparence physique (20 % contre 13 %) ou à la réception de messages à caractère sexuel alors qu’elles n’en n’ont pas envie (16 % contre 10 %).

Né en 2020 d’abord sous forme d’un hashtag lancé sur les réseaux sociaux, Stop Fisha est une association féministe de lutte contre le cybersexisme et les cyberviolences sexistes et sexuelles. Se déroulant sur des groupes dits « fisha » (verlan d’afficher), cette pratique consiste à diffuser des contenus à caractère sexuel de jeunes femmes, sans leur consentement, assortis d’informations personnelles sur les victimes (nom, lieu de résidence, établissement scolaire, etc.) ainsi que de menaces et de harcèlement lorsque ces dernières demandent leur suppression. Les bénévoles de l’association Stop Fisha offrent un accompagnement moral et juridique aux victimes de cyberviolences sexistes et sexuelles et à leurs proches et peuvent également signaler les contenus auprès de PHAROS ou des réseaux sociaux.

Selon la spécialiste de l’éducation numérique, ouvrir le dialogue permet donc de responsabiliser les plus jeunes à leurs usages numériques en leur faisant prendre conscience des impacts qu’une photo, un message ou un commentaire postés en ligne peuvent avoir sur leur vie mais aussi celle des autres.

La clef : ouvrir le dialogue avec son enfant

En tant que parent, comment accompagner au mieux son enfant pour l’aider à se prémunir de ces violences ? « Le mieux est d’expliquer à son enfant les choses telles qu’elles sont, résume Yasmine Buono. Il faut pouvoir lui dire : je ne peux pas surveiller tout ce que tu fais en ligne, je sais que tu vas rencontrer des contenus inappropriés et des situations de violence et le seul moyen que j’ai de te protéger c’est de t’inciter à en parler, à moi, à d’autres référents adultes ou bien à tes amis. »

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