L'échange culturel et le lien social par la cuisine

Quel meilleur endroit qu’autour de l’assiette pour tisser des liens ? Que ce soit pour sortir de l’isolement, mettre en avant sa culture ou tout simplement échanger, les rencontres culinaires sous forme de buffet ou d’atelier sont une occasion parfaite pour les arrivants étrangers - et les locaux aussi.

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Rédaction SoPress

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Mélange culturel

« Tous les pays ont une culture gastronomique. » C’est de ce constat d’apparence évidente qu’est parti Franck Steinmetz, élu de la ville de Sainte-Luce-sur-Loire en banlieue de Nantes, pour imaginer « Lucéens venus d’ailleurs ». L’idée est simple : tout résidant d’origine étrangère peut venir proposer un plat pour six à huit personnes lors d’un buffet, en amenant également une fiche recette. Après 2023 et 2024, l’élu est en train de préparer la prochaine édition prévue pour le 4 avril 2025. « La fréquentation reste modeste, une centaine de personnes environ, précise-t-il. Mais pour ce qui est de l’échange, c’est chaque fois un succès. Il y a une douzaine de nationalités représentées, avec également de la musique et une exposition. Et on voit ainsi un Espagnol échanger avec un Chinois, un Ukrainien avec un Guinéen, ou même des résidents de longue date entre eux. Le but premier est vraiment de proposer un moment convivial. »

La cuisine, un partage universel

L’idée de se servir de la cuisine comme outil de convivialité et d’interculturalité existe dans d’autres lieux de France, et notamment à Grenoble avec Cuisine sans Frontières. Depuis 2014, cette association cherche à « valoriser les savoir-faire des personnes migrantes et les sortir de l’isolement » en proposant chaque mardi et jeudi des plats à emporter ou sur place, proposés chaque fois par des bénévoles du monde entier. « Il y a un planning mensuel, où sont proposés un plat avec viande, un plat végétarien, une entrée et un dessert, détaille Lucia Diaz, salariée chargée de projet depuis septembre 2024. D’autres bénévoles peuvent également se proposer comme aide cuisine ou pour la vaisselle. » Un membre du personnel s’occupe également de l’approvisionnement et, parfois, de l’adaptation des plats. « En effet, nos clients, que ce soit la ville ou des entreprises, ne sont pas toujours habitués à manger des plats très épicés ». Encore faut-il trouver les moyens de faire venir les principaux intéressés. « Cet événement demande une double communication, explique Franck Steinmetz. Auprès de la population en général, avec les canaux classiques d’affichage et sur nos réseaux. Mais aussi auprès des concernés, ces fameux Lucéens venus d’ailleurs. Et cela passe par d’autres canaux plus éloignés de nous, surtout pour le plus efficace d’entre eux : le bouche-à-oreille. »

Cuisines sans Frontières : le rôle des bénévoles

C’est également un enjeu pour Cuisines sans Frontières. « Beaucoup de bénévoles le sont également dans d’autres associations, explique Lucia Diaz, et nous découvrent par rebond, ou alors par le bouche-à-oreille d’autres cuisiniers. » C’est comme ça qu’est arrivée Madeleine, une bénévole très active venue du Congo en 2020. « J’ai rejoint l’association en septembre 2021, après avoir rencontré Fadilah, une Algérienne, dans un lieu d’accueil de Grenoble. L’idée m’intéressait, et après deux mois d’observation, j’ai osé proposer mon propre plat : un madesu ya supu, des haricots au bœuf cuits dans une sauce tomate. » Elle en a également profité pour apprendre d’autres recettes, particulièrement végétariennes. « J’ai vraiment appris à aimer ça ici, et maintenant j’adore ! »

Les nouveaux bénévoles ne manquent pas, même s’ils ne restent pas toujours, comme le détaille Lucia Diaz : « La plupart sont en attente de régularisation, et dès qu’ils obtiennent un titre du séjour, ils cherchent du travail et ont donc moins de temps pour l’association. Mais ils continuent de venir de temps en temps, pour prendre des nouvelles, nous amener d’autres personnes ou simplement partager un repas, et même proposer un nouveau plat. » En attendant sa régularisation, Madeleine offre son temps à ces associations, et s’affaire notamment pour célébrer les dix ans de Cuisine sans Frontières en préparant une pièce de théâtre pour l’occasion.

Tisser du lien social et apporter du soutien

Car à Sainte-Luce comme à Grenoble, la cuisine est avant tout un prétexte. « Le but est de susciter des échanges des découvertes, souligne Frank Steinmetz. Nous en profitons également pour faire venir des associations d’aide à la scolarisation ou l’apprentissage du français pour qu’elles puissent se présenter. Il s’agit de tisser du lien. » La même démarche guide Cuisines sans Frontières. « Chaque midi, tout le monde mange ensemble, salariés et bénévoles », poursuit Lucia Diaz. Madeleine affirme y avoir trouvé « une vraie famille. L’association organise également des sorties qui permettent de tisser des liens profonds. C’est aussi l’occasion de pratiquer le français. En cuisine, même ceux qui n’en parlent pas un mot peuvent apprendre vite ». Cet aspect est essentiel pour Lucia Diaz, elle-même venue de Colombie où elle exerçait comme avocate : « Nous souhaitons vraiment avoir un échange sans aucune domination. » Cet état d’esprit suscite des vocations, puisque l’association forme également chaque année entre sept et neuf personnes pour l’obtention d’un CAP de cuisine. Du côté de Sainte-Luce, l’association « La Fabrique à échanges », qui veut développer le vivre-ensemble dans la commune, est née d’une rencontre à l’occasion de la première édition de « Lucéens venus d’ailleurs ». Avec toujours le plaisir de bien manger.

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