Seize jours de neige par an. Dans les Pyrénées, le changement climatique entraînera, à l’horizon du dernier quart de ce siècle, une période d’enneigement divisée par sept, selon les projections de Météo France. Passant ainsi de 110 à 16 jours. « Même au cœur de l’hiver, la moitié des précipitations prendra la forme de pluies, en 2050, en raison de l’augmentation des températures », explique Lucile Chamayou, qui a travaillé sur le sujet pour le parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises. Elle résume : « Sur le massif, le changement est déjà en cours et mesurable. » Conséquence de cet enneigement qui se réduit à peau de chagrin : l’évapotranspiration, soit la part d’eau tombée du ciel qui s’évanouit à son arrivée sur terre, additionnée à la part puisée par les végétaux pour leurs besoins vitaux, va s’accroître de 10 à 30 %. Et aggraver, de ce fait, les situations de sécheresse.
Sols extrêmement secs
L’ensemble du territoire ariégeois connaîtra, au milieu du siècle, des sols extrêmement secs, dès le printemps. Par ailleurs, « l’Ariège sera fortement impactée par rapport au reste du grand Sud-Ouest par l’augmentation des sécheresses décennales, celles qui arrivent une année sur dix. En 2050, elles arriveraient huit à neuf années sur dix… », complète Lucile Chamayou. « La situation est très grave, tant sur la quantité d’eau que sur sa qualité », abonde en ce sens Claude Miqueu, ancien député des Hautes-Pyrénées et membre du Comité national de l’eau et qui a longtemps assumé des responsabilités à l’agence de l’eau Adour-Garonne. Le dossier, sans mauvais jeu de mots, est brûlant. « Sur le plan quantitatif, les périodes de sécheresse se multiplient. Quant au plan qualitatif, nous sommes débordés par les nouvelles pollutions, liées aux activités humaines », précise Claude Miqueu. Pour le spécialiste, trois impératifs sont à poursuivre : « La priorité doit être donnée à l’eau potable, après un engagement ferme sur des pratiques de sobriété. Ensuite, nous devons parvenir à une gestion collective, équilibrée, transparente et évaluée de l’ensemble des autres usages. »
Plan de sobriété
Sur la sobriété, le comité de bassin Adour Garonne a adopté un objectif de réduction des prélèvements en eau sur son territoire d’intervention de 10 %, en 2030. Une mesure qui fait suite à l’invitation faite à tous les comités de bassin de réfléchir à un plan de sobriété, contenue dans le « plan Eau » présenté par le gouvernement en avril 2023. Quant à la gestion « collective, équilibrée, transparente et évaluée » des usages autres que l’eau potable, elle se met doucement en place. Depuis la fin de l’année 2024, des consultations publiques sont organisées par le département de l’Ariège et par la « commission locale de l’eau » (CLE), une sorte de parlement de la gestion des eaux au niveau départemental, où siègent des élus locaux mais aussi des responsables de syndicats agricoles ou patronaux, des représentants des usagers et usagères du service public de distribution d’eau et des associations de défense de l’environnement. Objectif : élaborer en commun le prochain « Sage », le schéma d’aménagement de l’eau, qui met sur le papier le partage des usages de l’eau. « Nous espérons sa mise en application en 2027, après les consultations de 2025 et leurs traductions opérationnelles en 2026 », explique le président de la CLE, par ailleurs vice-président du conseil départemental de l’Ariège, Jean-Paul Ferré.
Avec le concours de la commission nationale du débat public, une dizaine de réunions publiques sont organisées sur le territoire ariégeois. A la Confédération paysanne, on salue l’outil qui se met en place, « porté par les pouvoirs publics donc plus républicain que les délibérations prises dans les seules chambres d’agriculture », souligne son porte-parole de l’antenne ariégeoise, Angel Alegre. Si les secteurs économiques concernés, au premier rang desquels le secteur agricole, s’investissent dans ces consultations publiques, l’enjeu réside dans la mobilisation des citoyennes et citoyens. « C’est indispensable. Mon inquiétude, c’est que ces consultations sont pléthore et qu’on décourage les participations en multipliant les interpellations », pointe Claude Miqueu. Au-delà des réunions prévues autour du Sage, les habitantes et habitants de l’Ariège sont également invités à donner leur avis sur l’élaboration du « Sdage », le schéma départemental d’aménagement et de gestion de l’eau, l’échelon supérieur de planification, construit, lui, par l’agence de l’eau Adour-Garonne. À ces deux consultations, s’ajoutent les « conférences territoriales de l’eau », organisées pour leur part par l’État, à la suite du lancement du « plan Eau » d’avril 2023.
Des « mesures éponges »
Et la concertation ne s’arrête pas là. Sur des projets encore plus locaux, la discussion entre les parties prenantes s’engage. Ainsi du projet européen « Sponge Works ». La vallée de la Lèze, en Ariège, est l’un des trois spots choisis pour étudier les « mesures éponges », des solutions naturelles pour stocker davantage et plus longtemps les eaux de pluie dans le sol. Un sol très sec ne parvient pas à absorber l’eau et constitue, en plus de l’aggravation de l’état de sécheresse, un facteur d’inondations. « On appelle ça des laboratoires vivants : on intègre les acteurs du territoire pour démontrer à partir d’une hypothèse. On évalue en direct. On fait donc de la recherche appliquée et on évalue en même temps sur des grandes surfaces. L’objectif c’est de voir quelles sont les mesures qui marchent, pourquoi, et ensuite changer d’échelle », explique Sabine Sauvage, l’une des ingénieures de recherche au CNRS en charge de ce projet. Grâce à des fonds européens, les agriculteurs et agricultrices sont aidés à installer des dispositifs de retenue d’eau naturels. Premier objectif : replanter des haies en masse. Autre mesure à venir : ne plus laisser les sols nus en hiver. « Il y a deux cents exploitants dans la Vallée de la Lèze, la moitié est prête à appliquer les mesures », indique Sabine Sauvage. Un indicateur encourageant pour la concertation plus large sur le territoire ariégeois.
La Macif vous aide à agir pour réduire les dommages liés aux risques naturels.