Art sur ordonnance, en quoi ça consiste ?

Ces dernières années, plusieurs hôpitaux ont noué des partenariats avec des musées pour créer des programmes de prescriptions artistiques pour leurs patients. Quels types de visites et d’ateliers sont proposés et quels bénéfices en tirent les participants ? Reportage à Montpellier.

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Rédaction SoPress

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« C’est ma bulle d’oxygène ! » Depuis le printemps 2023, Valérie Devesse participe au programme « L’Art sur ordonnance » lancé à Montpellier par le MO.CO, centre d’art contemporain, et le Centre hospitalier universitaire. « Je n’étais pas du tout intéressée par l’art et je n’allais jamais dans les musées. » Hospitalisée pour dépression, la patiente est invitée à participer à cette action artistique. « Je suis allée voir, pour découvrir », confie-t-elle. Elle est ressortie de cette expérience pleine d’enthousiasme : « Ce projet, c’est un moteur pour sortir de chez soi, être dans la découverte de l’art et dans l’apprentissage. Cela permet d’aller vers les autres, d’échanger. »

Partenariat Hôpital - Musée

À l’image de la liaison entre le centre d’art contemporain MO.CO et le CHU de Montpellier, d’autres partenariats existent en France, entre le palais des Beaux-Arts et l’hôpital universitaire de Lille, entre le service cardiologie de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et le Musée Marmottan Monet à Paris ou avec le Château de Compiègne, et aussi en Belgique entre l’hôpital Brugmann et cinq institutions (musée de la Ville de Bruxelles, musée Mode & Dentelle, etc.). « Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé de 2019, l’art peut être bénéfique pour la santé, tant physique que mentale », explique le professeur Philippe Courtet, chef du service psychiatrie du CHU de Montpellier. « D’ailleurs, l’artiste Louise Bourgeois disait : “L’art est une garantie de santé mentale.” Il y a des initiatives de prescriptions artistiques en Grande-Bretagne depuis une trentaine d’années et cela fonctionne. » C’est ce qui a guidé le professeur Courtet pour initier un rapprochement avec le MO.CO en 2022.

Visite d’une exposition et ateliers avec un artiste

« Nous avons déjà organisé cinq sessions, pour une quinzaine de patients à chaque fois », raconte Stéphanie Delpeuch, responsable des publics et de la médiation au MO.CO. Le programme se déroule en trois étapes : la visite d’une exposition commentée par un artiste, la présentation de son travail par ce même artiste suivi de six ateliers de pratique artistique avec lui. « En 2022, nous avons réalisé trois sessions, avec les plasticiennes Bianca Bondi et Suzie Lelièvre et avec la chorégraphe Anne Lopez. L’année dernière, les plasticiennes Alba Sagols et Valérie du Chéné étaient les invitées du programme L’Art sur ordonnance. » La patiente Valérie Devesse a participé aux sessions avec Alba Sagols et avec Valérie du Chéné. « Avec Alba Sagols, nous avons travaillé sur du plexiglas. En le faisant chauffer, nous lui donnions des formes. C’était une complète découverte pour moi. Valérie du Chéné travaille elle sur l’art éphémère. Elle avait ramassé des cailloux que nous avons peints. C’était sympa à faire et déroutant. Puis, nous avons raconté l’histoire de chaque pierre. Valérie du Chéné a enregistré nos voix et elle en a fait un petit film. »

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Devant le succès de ces sessions, qui durent un mois et demi à raison d’un atelier par semaine, le MO.CO a lancé également des sessions « capsule ». « Ce sont des sessions sur une journée, ouvertes à tout le monde, précise Stéphanie Delpeuch. Comme ça, les patients qui viennent de l’hôpital se mélangent au public habituel du MO.CO pour une meilleure inclusivité. »

Retrouver du sens à l’existence

« Les personnes qui sont en dépression sont en phase de repli sur elles-mêmes, explique le professeur Courtet. Ces sessions aux MO.CO stimulent l’expression émotionnelle et l’imagination de chaque participant. Elles facilitent également le lien social et permettent de rompre l’isolement. Grâce à ces ateliers, les patients retrouvent de l’estime de soi et de la confiance en soi. Nous constatons qu’ils vont mieux. Ils retrouvent du sens à l’existence. » Ce que Valérie Devesse confirme : « Le programme au MO.CO, les visites d’expositions et les ateliers me redonnent le goût de découvrir et d’apprendre. Et je vais vers les autres. Nous échangeons sur beaucoup de choses de la vie, pas que sur l’art et jamais sur la maladie. Pendant deux heures, la maladie n’est plus au centre de ma vie et cela me fait du bien. Ce projet, c’est un moteur pour moi : il faut s’engager, se motiver à aller à toutes les séances et tenir. Cela peut être fatigant, mais ça nous aide dans notre pathologie. »

Le journal américain The Christian Science Monitor a consacré fin mars 2024 un long article titré La muséothérapie, nouveau remède aux troubles de la santé mentale en France. Il décrypte plusieurs « prescriptions culturelles » nouées entre des hôpitaux et des musées et insiste sur la pertinence de telles initiatives. L’article précise d’ailleurs que « les diagnostics de dépression chez les Français de 18 ans à 24 ans ont quasiment doublé depuis 2017 (selon une étude d’octobre 2023 réalisée par Santé publique France), et que les consultations de psychiatrie chez les étudiants ont augmenté de 30 % en deux ans ». Partant de ce constat et des résultats encourageants déjà constatés, l’art sur ordonnance devrait probablement se développer plus encore dans les prochaines années en France.

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